Vision n Ce spécialiste en marketing et en commerce international estime que l'Algérien doit impérativement enterrer la mentalité d'éternel assisté. Entretien. InfoSoir : Quelle relation a l'Algérien avec la « chose » économique. On lui impute souvent le tort de ne pas se soucier de l'économique, comme d'ailleurs du politique ? ll Dr Lamiri : L'Algérien doit impérativement savoir qu'il est obligé d'avoir une relation étroite avec l'économie. Il doit se rendre à l'évidence qu'on ne peut pas vivre isolé de l'économie. Parce que ce sont les problèmes de tous les jours. Par exemple : avoir un salaire stable, un logement… L'Algérien aurait aimé que l'Etat prenne en charge ses problèmes économiques et sociaux et qu'il se décharge lui-même de tout cela. Ceci est à l'évidence son objectif, mais il a appris à vivre avec les problèmes économiques parce que, réalité oblige, la situation est en train de changer. Il ne peut plus se permettre de responsabiliser l'Etat ou de responsabiliser autrui de ses problèmes personnels qui, en définitive, deviennent de plus en plus personnels parce que l'économie de marché, il ne faut surtout pas l'oublier, responsabilise les individus de leur propre bien-être. Ce qui fait un peu peur aux Algériens, c'est précisément le fait d'être responsables économiquement et de se responsabiliser soi-même au lieu de faire en sorte que ce soit l'Etat qui règle tout. Dans ce cas précis, l'Algérien est-il obligé de suivre la cadence qualifiée d'infernale de la mondialisation, car justement c'est elle qui annonce le désengagement de l'Etat ? ll Il ne peut pas en être autrement. Les Chinois sont en train de prendre la place de nos travailleurs dans les différents secteurs économiques et ce, même si, physiquement, ils n'entrent pas en Algérie pour prendre réellement la place de nos concitoyens. Ils le font en revanche d'une autre manière. Quand on sait que plus de la moitié des entreprises de textile, en Algérie, ont fermé leurs portes parce qu'il existe une industrie chinoise et indienne qui, mieux organisée et mieux structurée, travaille plus et vend beaucoup mieux. C'est ce qui fait aujourd'hui que l'industrie textile en Algérie devient très peu performante. Ce qui aboutit inéluctablement à la fermeture des usines, en raison notamment d'absence de marchés d'accueil, et au bout, à la mise au chômage de milliers de personnes. Il faut reconnaître, aujourd'hui, que le monde est devenu un village. Les frontières politiques disparaissent et nous sommes confrontés de plus belle à ce phénomène de globalisation. Du coup, l'Algérien est donc obligé de faire face à ce défi. Un défi auquel, malheureusement, nous ne sommes pas préparés. De par l'histoire, l'Algérien était préparé plutôt à se désister du rôle économique au profit de l'Etat. Maintenant, la réalité des équilibres mondiaux fait que tout citoyen doit s'autoresponsabiliser et donc se doter de qualifications avérées pour améliorer sa qualité de travail, sa discipline socioéconomique. En fait, c'est la seule alternative pour s'intégrer dans le jeu économique mondial, puisqu'on y est déjà. Le citoyen algérien ne peut plus rester en retrait parce que s'il ne subit pas les conséquences de façon directe ; c'est indirectement qu'il va être éjecté de son rôle économique. C'est donc d'abord un problème de gestion… ll Effectivement, c'est un problème de gestion et un problème d'anticipation. Quelles sont les attentes de l'Algérien ? ll L'Etat est responsable de son logement. Il est responsable de son travail et de sa qualification. C'est l'Etat qui est responsabilisé sur tout cela. Maintenant, les choses ont bel et bien changé. Aujourd'hui, il faut gérer convenablement les anticipations et les attentes des personnes et arriver à impliquer les citoyens dans la performance économique de tous les jours. Dorénavant, les gens doivent apprendre à dire ceci : «Moi aussi, j'ai ma très grande part de responsabilité pour avoir mon logement, pour avoir mon travail et pour réhabiliter mes qualifications.» A terme et suivant cette logique, l'Algérien apprendra de lui-même à suivre la sacro-sainte loi de l'offre et de la demande. Prenons un exemple flagrant : nous avons des centaines de milliers de personnes, des simples techniciens, des bacheliers ou non-bacheliers, qui sont au chômage alors que nous avons des demandes importantes dans les emplois techniques, dans la maçonnerie, la confection du carrelage, la plomberie… Mais les gens ne veulent pas de ces métiers-là, parce qu'on leur a inculqué que ce sont des métiers qui ne sont pas nobles et que du moment que quelqu'un a appris à lire et à écrire, il est destiné à faire d'autres métiers. C'est une mentalité, une manière d'être qui, économiquement, n'est pas la bonne. La réalité, vue sous cet angle, nous montre une demande très importante d'emplois de gens qui sont au chômage, alors qu'on aurait pu créer des centaines de milliers de postes de travail dans le domaine de la maçonnerie. (*) Professeur en marketing et commerce international à l'université d'Alger.