Résumé de la 29e partie n Neeve rentre au bureau de Sal. Soudain une réflexion lui vient en tête... Il semblait aux anges. Son visage rond s'était empâté ces dernières années, et ses yeux se plissaient jusqu'à disparaître sous ses paupières lourdes. Lui, Myles et l'Evêque avaient grandi dans le même quartier du Bronx, joué au base-ball ensemble, fait leurs études au lycée Christopher-Columbus ensemble. On avait peine à croire que Sal aussi avait soixante-huit ans. Il y avait un assortiment de montres sur son bureau. «Peux-tu imaginer ça ? On vient de nous demander de dessiner des intérieurs de Mercedes modèle réduit pour des gosses de trois ans. A l'âge de trois ans, j'avais un camion rouge d'occasion dont une roue passait son temps à se détacher. A chaque fois, mon père me filait une raclée en m'accusant de ne pas prendre soin de mes jouets.» Neeve sentit son moral remonter. «Oncle Sal, je donnerais n'importe quoi pour t'enregistrer. Je ferais fortune en te faisant chanter. — Tu es trop bonne. Assieds-toi. Prends une tasse de café. Il vient d'être fait, promis. — Je sais que tu es très occupé, Oncle Sal. Cinq minutes seulement.» Neeve déboutonna sa veste. «Veux-tu laisser tomber cette histoire d'oncle». Je deviens trop vieux pour qu'on me traite avec respect.» Sal la dévisagea d'un œil critique. «Tu es aussi belle qu'à l'accoutumée. Comment vont les affaires ? — Formidable ! — Comment se porte Myles ? J'ai appris que Nicky Sepetti a été relâché vendredi. Je suppose que ça le met dans tous ses états. — Il était inquiet vendredi, et s'est calmé pendant le week-end. Aujourd'hui, je ne sais pas. — lnvite-moi à dîner cette semaine. Je ne l'ai pas vu depuis un mois. — Entendu.» Neeve regarda Sal verser le café sur un plateau posé à côté de son bureau. Elle jeta un coup d'œil autour d'elle. «J'adore cette pièce.» La tenture murale derrière le bureau était une reproduction du motif Barrière du Pacifique, le dessin qui avait fait la célébrité de Sal. Sal lui avait souvent raconté d'où lui était venue son inspiration pour cette collection. «Ecoute Neeve, je visitais l'Aquarium de Chicago. C'était en 1972. La mode était un vrai désastre cette année-là. On en avait tous assez de la mini-jupe. Personne n'osait inventer quelque chose de nouveau. Les plus grands couturiers présentaient des ensembles coupés comme des costumes d'homme, des bermudas, des tailleurs près du corps et non doublés. Des couleurs pâles. Des couleurs sombres. Des trucs à volants dignes d'écolières. Rien qui donne envie à une femme de dire : «Je veux ressembler à ça.» Je me promenai dans l'aquarium et montai à l'étage où se tenait l'exposition de la Barrière du Pacifique. Neeve, on avait l'impression de marcher sous l'eau. Du sol au plafond, il y avait des réservoirs remplis de centaines de poissons exotiques, de plantes, de coraux et de coquillages Et toutes ces couleurs — on les aurait crues peintes par Michel-Ange. (à suivre...)