Précision n Ce récit est véridique. L'histoire s'est déroulée au siècle dernier, dans un village de l'Ouarsenis. Ici les gens sont pauvres et le plus riche d'entre eux est celui qui possède une maison solide, quelques champs et un troupeau de moutons. Si Ahmed est de ceux-la. C'était un homme plutôt dur, qui connaissait les difficultés de la vie et qui donnait à chaque chose sa valeur. «Ne gaspillez rien, disait-il à ses enfants, il y a des gens qui n'ont même pas de quoi manger !» Il passait pour un avare, mais, en réalité, il ne pensait qu'à faire des économies, à mettre de l'argent de côté pour pouvoir se rendre un jour au pèlerinage à La Mecque. Voir La Mecque, aller sur les traces du Prophète béni, n'est-ce pas-là le rêve de tout musulman ? Chaque année, Si Ahmed engraisse un mouton pour l'Aïd. Le sacrifice du mouton, voilà un autre rite par lequel le musulman montre son attachement à sa religion. Comme le pèlerinage, le mouton n'est une obligation que pour celui qui dispose de moyens : le pauvre, lui, est dispensé du sacrifice, comme il est dispensé du pèlerinage à La Mecque. Cette année-là, comme les autres, Si Ahmed a engraissé des moutons qu'il va vendre, se réservant, comme d'habitude le plus beau. Si les années précédentes, les moutons de Si Ahmed étaient beaux, celui de cette année, est exceptionnel. Il doit bien peser le poids de deux moutons normaux, avec des cornes si grandes et si puissantes qu'on les dirait de pierres. Sa toison est noire avec des pourtours blancs. Quand il est au milieu du troupeau, il dépasse toutes les autres bêtes par sa stature, d'au moins deux têtes. Au village, tout le monde le regarde avec admiration. — Si Ahmed, d'où tiens-tu une pareille merveille ? — C'est une bête de mon troupeau, dit l'homme, non sans fierté. On approche la main pour le toucher, l'animal se met aussitôt en position défensive. — Il n'y a que moi qui peux l'approcher. Il avance vers lui, le prend par une corne : l'animal se laisse faire et même se frotte contre son maître. — Une belle bête ! Des gens, ayant appris l'existence du mouton, sont venus d'autres villages. Certains ont voulu acheter la bête, proposant des prix élevés. — Non, dit Si Ahmed, je ne le vendrai pas pour tout l'or du monde. Ce mouton, je l'ai destiné au sacrifice de l'Aïd. Il ne m'appartient pas, il appartient à Dieu ! Il montre ses autres moutons : _ En revanche, ceux-ci sont à vendre ! Mais les autres moutons sont ce qu'il y a de plus ordinaire : ils n'intéressent pas les amateurs de sensationnel... (à suivre...)