Résumé de la 51e partie n Les charges deviennent insupportables, Ruth rappelle à son mari, Seamus, qu'il doit tout faire pour cesser de verser la pension à Ethel. «Dis-lui qu'en vingt-deux ans, tu lui as donné près d'un quart de millions de dollars en plus d'une grosse indemnité et que c'est immoral de vouloir davantage pour un mariage qui a duré moins de six ans. Félicite-la du gros contrat qu'elle a décroché pour son nouveau livre et ajoute que tu te réjouis qu'elle n'ait pas besoin de ton argent, mais que tes gosses en ont sacrément besoin, elles. Puis signe la lettre et va la glisser dans sa boîte. Nous en garderons un double. Et si elle braille il n'y aura pas un être vivant sur la planète qui n'apprendra que c'est un faux jeton, un rapace. Je voudrais savoir combien de collègues lui décerneront encore des diplômes d'honneur si elle manque à sa parole. — Ethel n'a pas peur des menaces, murmura Seamus. Elle fera jouer une telle lettre en sa faveur. Elle transformera la pension alimentaire en lutte pour la condition féminine. C'est une erreur.» Ruth repoussa son assiette sur le côté. «Ecris-la !» Ils avaient une vieille photocopieuse Xerox dans un coin du bureau-salon. Ils durent s'y reprendre à trois fois avant d'obtenir une copie correcte de la lettre. Puis Ruth tendit son manteau à Seamus. «Décide-toi. Va la fourrer tout de suite dans sa boîte.» Il choisit de parcourir à pied les neuf blocs. La tête rentrée dans les épaules sous le poids de la détresse, les mains enfouies dans ses poches, il tâtait les deux enveloppes. L'une contenait un chèque. Il l'avait pris à la fin du carnet de chèques et rempli à l'insu de Ruth. La lettre se trouvait dans l'autre enveloppe. Laquelle devrait-il glisser dans la boîte d'Ethel ? Il voyait l'expression de son visage à la lecture du billet comme si elle se tenait devant lui. Avec la même clarté, il se représentait la réaction de Ruth s'il introduisait le chèque. Il tourna à l'angle de West End Avenue dans la Quatre-vingt-deuxième Rue. Il y avait encore du monde dehors. Des jeunes couples qui faisaient leurs achats en sortant du bureau, les bras chargés de provisions. Des hommes et des femmes sur leur trente et un, la main levée pour héler un taxi qui les conduirait au restaurant ou au théâtre. Des clochards recroquevillés contre les immeubles de brique. Seamus frissonna en atteignant l'immeuble d'Ethel. Les boîtes aux lettres se trouvaient dans le hall, passé la porte d'entrée principale en haut des marches. Chaque fois qu'il arrivait à la dernière minute avec le versement de la pension, il sonnait le gardien qui le laissait entrer et introduire le chèque dans la boîte aux lettres d'Ethel. Mais aujourd'hui, ce ne fut pas nécessaire. Une gamine qu'il savait habiter au troisième étage passa devant lui en le frôlant et monta les marches. Pris d'une impulsion, il lui saisit le bras. Elle se retourna, l'air apeuré. C'était une petite maigrichonne, le visage étroit, les traits aigus. Environ quatorze ans. Différente de ses propres filles, songea-t-il. Quelque part dans leurs gènes, elles avaient hérité de jolis visages, de sourires spontanés, affectueux. Un instant de lourd regret le submergea tandis qu'il sortait l'une des enveloppes. (à suivre...)