Pour accaparer des marchés publics en Algérie, un grand nombre de firmes étrangères n'hésitent pas à verser des pots de vin et accorder d'autres largesses, ont averti, hier, des experts de la Banque mondiale qui appellent dans l'urgence à la bonne gouvernance. En dépit des efforts consentis en matière de bonne gouvernance et de libertés économiques, «l'Algérie marque toujours le pas», a fait remarquer Daniel Kaufmann, économiste de renom et directeur pour la gouvernance à la Banque mondiale, hier lors du colloque Cnes-BM tenu au Palais des Nations (Clubs-des-Pins). Un rendez-vous placé sous le thème des «Libertés économiques, la gouvernance et la pauvreté». Comme exemple édifiant, l'orateur, accompagné de Théodore Ahlers, également de la Banque mondiale, et Mohamed Sghir Babes du Cnes, dévoilera dans le dernier rapport établi par l'institution de Bretton-Woods que plus de 38% des entreprises économiques, tous secteurs confondus, proposent des pots-de-vin et des largesses pour obtenir des contrats de marchés publics en Algérie. «Cela prouve l'état de déliquescence d'une économie en panne qui a besoin d'un sursaut pour se rétablir», assènera-t-il. Logée à une place très peu reluisante en matière de bonne gouvernance, loin derrière les Emirats arabes unis, le Qatar, l'Egypte, la Tunisie et le Maroc, l'Algérie serait aussi «malade de ses institutions» si l'on en croit les vérités de l'économiste attitré de la Banque mondiale. Pis encore, la liberté de la presse, considérée comme un véritable cheval de bataille en matière de libertés économiques, n'est pas mieux lotie. Questionnées à ce propos, comme cela est rapporté dans le rapport de la BM, des entreprises étrangères s'accordent à dire que «la liberté de la presse fait encore défaut en Algérie» comme l'a signalé l'économiste de la Banque mondiale qui ajoutera, sur ce registre précis, que cette liberté a chuté de 80% en 2002 à 43% en 2006. Dans le domaine de la lutte contre la corruption, l'orateur, muni du dernier rapport de la Banque mondiale, «Governance Matters, 2006», dira, en outre, que l'Algérie est devancée par plus de quarante pays sur un classement de 68 pays. Ces «vérités» n'ont pas manqué de susciter une certaine gêne dans les rangs des participants qui ont presque tous mis en doute les chiffres énoncés en demandant des éclaircissements sur le bien-fondé de cette étude et sur la pertinence des indices utilisés. Dans son exposé, M. Kaufmann a mis, en outre, l'accent sur les liens indéfectibles entre la bonne gouvernance et le climat d'investissement, «l'un ne pouvant marcher sans l'autre», plaidera-t-il. Pour sa part, Mohamed Sghir Babes, président du Cnes a, dans son discours, mis en relief «l'importance de mesurer la gouvernance par des instruments nouveaux et selon les standards internationaux si on veut réellement assurer une relance économique réelle».