Engagement Serment a été fait à Moncef de réparer l?injustice. C?est fait. La population ressentait une grande amertume de devoir plier l?échine devant ces infidèles en uniforme rutilant, mais la supériorité militaire des Français était énorme et tous les chefs coutumiers avaient fait acte d?allégeance, la mort dans l?âme. En 1846, le général Randon, qui finissait d?écraser les dernières résistances des Némemcha, confia à un détachement le soin d?évacuer de nombreux blessés vers la ville de Bône (Annaba). Ce détachement devait traverser le territoire des Ouled-Yahia. Les Ouerfella sautèrent sur l?occasion et décidèrent d?attaquer le détachement. Ils durent l?affronter seuls, les autres fractions ayant refusé de suivre. Les Ouerfella se rendirent tous à un endroit très accidenté nommé Aïn Zouara où ils tendirent une embuscade aux Français, qu?ils massacrèrent jusqu?au dernier. Ils venaient de laver dans le sang l?affront qui avait été fait à toute la population. Mais les représailles n?allaient pas tarder. Le général Randon prit en personne le commandement d?une colonne puissamment armée et encercla les Ouerfella, dont il fit massacrer un grand nombre d?hommes valides. Beaucoup se réfugièrent en Tunisie. La répression fut terrible. Pendant presque deux années, les Ouerfella furent réduits aux dernières extrémités. Les Français leur confisquèrent tous leurs biens et les expulsèrent hors des terres des Ouled-Yahia. Ils les installèrent sur les terres ingrates et rocailleuses, à l?est de la ville de Tébessa, pour avoir l??il sur eux. La France donna le nom de Halloufa (la truie) au douar où elle les installa, expulsa les meilleurs de ses hommes vers la Libye et répandit sur leur compte les pires des calomnies, parmi lesquelles celle suggérant que le nom de Ouerfella était tiré du mot «orphelin» parce que, faisaient dire les Français, ils étaient des enfants de l?assistance publique. Ces médisances sont restées attachées à l?histoire des Ouerfella jusqu'à nos jours et ils sont encore considérés comme les moins nobles des Ouled-Yahia, eux, les braves d?entre les braves. L?histoire officielle n?a jamais cru bon les réhabiliter et les laver de cette ignoble injustice fabriquée de toutes pièces par les machiavéliques services spéciaux de l?armée coloniale. J?ai promis à mon ami Moncef, un vrai Ouerfella de Tébessa, de réparer cette injustice. C?est fait maintenant. Pour ceux qui sont férus d?histoire, des archives militaires existent, qui sont particulièrement éloquentes. Mais que tout le monde sache que les Ouerfella peuvent être fiers de leurs ancêtres. Ils ont été les derniers à faire parler la poudre avant la soumission généralisée.