Khalti Tefaha, 55 ans, nous accueille à bras ouverts. Elle n'hésitera à aucun moment à nous parler de souk ensa «où l'on peut facilement acheter à crédit», dira-t-elle. «Ceci permet aux femmes de notre quartier d'acheter ce qu'elles veulent notamment les nouvelles mariées». Khalti Tefaha dévie la conversation pour évoquer sa souffrance. Elle a deux filles handicapées à sa charge. L'une a 35 ans, c'est une malade mentale qui se trouve depuis quelques années à l'hôpital Frantz-Fanon ex-Joinville de Blida. La seconde n'a que 10 ans. Elle est handicapée moteur depuis une année à la suite d'un accident de la route. Son mari, un moudjahid, vient de perdre la raison. «Il a beau courir pour régulariser ses papiers pour décrocher une pension pour subvenir à nos besoins, il n'a jamais réussi», dira sa femme. « Sa première femme, toujours à sa charge, est, elle aussi, déficiente mentale», soupire-t-elle. Entendant qu'on était journaliste, le père se précipita de nous ramener tous ses papiers pour nous «obliger» à l'aider en déboutant sa chemise pour nous montrer un tee-shirt blanc où est mentionné : «Oui à Bouteflika». Il n'enlève jamais ce tee-shirt et circule à la maison le drapeau à la main. Nous apprendra Louiza sa fille. Refusant de nous parler, les clientes du « souk» se sont contentées de faire le tour de leur marché et d'acheter ce qu'elles trouvent d'intéressant à crédit bien sûr ! Avant d'être reconnus, nous avons suivi quelques femmes qui se déplaçaient de vendeuse en vendeuse. La première achètera un tailleur beige avec un col en fourrure pour fillette. Il coûte 45 DA. A première vue, ce tailleur a déjà été utilisé, mais il n'est pas abîmé. La dame de près de 60 ans l'achète, paye la moitié à la vendeuse et lui promet de lui compléter le reste dans quelques jours. Une fille de 11 ou 12 ans, tenant sa petite sœur âgée de 4 ou 5 ans s'est désolée d'avoir raté ce tailleur et donnait l'air d'une habituée des achats dans ce souk ! Khalti Zoubida, une cliente, la cinquantaine, s'est volontairement rapprochée de nous pour nous confesser que ces vendeuses sont toutes des cas sociaux. «J'ai vraiment pitié d'elles. Elles ont beaucoup facilité les achats pour nos filles notamment celles qui devaient se marier et n'avaient pas de moyens», dira-t-elle. Khalti Zoubida est Algéroise. Elle vit à Taktaka depuis près de 20 ans.