Résumé de la 91e partie n Neeve essaie, à travers l'article, de trouver des réponses à l'énigmatique disparition d'Ethel. Sal fut un élève médiocre au lycée Chustopher-Columbus (dans le Bronx, non en Italie), un étudiant très moyen au F. I. T. Un parmi la foule, mais comme le destin allait le révéler, un des rares élus. Il créa la collection qui allait le porter au sommet : la ligne Barrière du Pacifique, sa seule et unique idée originale. Mais quelle idée ! D'un seul et magnifique coup de baguette, della Salva remit la mode sur ses rails. Qui a assisté à ce premier défilé de mode en 1972 se souvient encore de la surprise provoquée par ces vêtements ravissants qui semblaient flotter sur les mannequins : tuniques à empiècement lâche, robes de lainage drapées le long du corps, manches plissées qui chatoyaient dans la lumière. Et ses couleurs. Il s'inspira des nuances de la vie tropicale du Pacifique, des coraux, des plantes et de la faune sous-marine, emprunta les dessins que leur donne la nature pour créer ses propres motifs, certains pleins d'une merveilleuse audace, d'autres assourdis comme son célèbre bleu argenté. Le créateur de la ligne Barrière du Pacifique mérite tous les honneurs que l'industrie de la mode peut accorder. A ce point de l'article, Neeve rit malgré elle. «Sal va adorer ce qu'Ethel a écrit sur la Barrière du Pacifique, dit-elle, mais je ne suis pas sûre qu'il appréciera le reste. Il a tellement menti qu'il a fini par se persuader qu'il était né à Rome et que sa mère était une comtesse romaine. Par ailleurs, d'après ce qu'il a dit l'autre soir, il s'attend à quelque chose de ce genre. Aujourd'hui, le grand chic est de raconter que vos parents ont eu la vie dure. Sal va probablement découvrir sur quel bateau sa famille a embarqué pour Ellis Island, et il en fera faire une maquette.» Ayant décrit les tendances principales de la mode telles qu'elle les voyait, Ethel s'attaquait ensuite dans son article aux créateurs mondains, incapables de distinguer «un bouton d'une boutonnière» et qui engageaient de talentueux jeunes gens pour dessiner et exécuter leurs collections, elle dénonçait la conspiration qui consistait à suivre la voie de la facilité et à mettre régulièrement la mode sens dessus dessous, même s'il fallait pour ça habiller des douairières en danseuses de french cancan ; elle raillait ceux qui les suivaient comme des moutons de Panurge et flanquaient trois ou quatre mille dollars dans un costume comptant à peine deux mètres de gabardine. Puis Ethel s'en prenait à Gordon Steuber : L'incendie de la Triangle Shirtwaist Company en 1911 alerta l'opinion publique sur les épouvantables conditions de travail des ouvrières dans l'industrie du vêtement. Grâce au Syndicat international des ouvrières du vêtement, I'I. L. G. W. U., la confection est devenue un domaine où des gens de talent peuvent gagner honnêtement leur vie. Mais certains fabricants ont trouvé un moyen d'augmenter leurs profits aux dépens des déshérités. Les nouveaux centres de travail au noir se trouvent dans le sud du Bronx et Long Island City. Des immigrés en situation irrégulière, dont la plupart sont à peine plus âgés que des enfants, triment pour des salaires de misère parce qu'ils ne possèdent pas de carte de travail et ont peur de protester. Le roi de ces escrocs est Gordon Steuber. Vous en saurez davantage, bien davantage sur Steuber, dans un article à venir, mais n'oubliez pas une chose. Chaque fois que vous enfilez un de ses vêtements, consacrez une pensée à l'enfant qui l'a cousu. Elle ne mange sans doute pas à sa faim. (à suivre...)