Mémoire n Le 15 mars 1962, à quatre jours de la signature des accords d'Evian, furent assassinés l'écrivain Mouloud Feraoun et cinq de ses compagnons par un commando français de l'Organisation armée secrète (OAS). En leur souvenir, l'université Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou a organisé, hier, une série de conférences et de témoignages sur les victimes de la barbarie que furent l'auteur du célèbre roman Le fils du pauvre et ses amis Ali Hamoutène, Salah Aoudia, Etienne Basset, Robert Aymaret et Max Marchand, ayant tous servi dans le secteur de l'éducation, avant qu'ils ne soient abattus par l'OAS du général Salan, au centre pédagogique de Ben Aknoun, sur les hauteurs d'Alger, où ils étaient en réunion de travail. Quelques heures seulement avant sa mort, Mouloud Feraoun écrivait dans son Journal ses ultimes notes : «A Alger, c'est la terreur, les gens circulent tout de même. Ceux qui doivent gagner leur vie, ou simplement faire leurs commissions, sont obligés de sortir et sortent sans trop savoir s'ils vont revenir ou tomber dans la rue. Bien sûr que je ne veux pas mourir et je ne veux pas que mes enfants meurent, mais je ne prends aucune précaution particulière…» Ironie du sort, cette intuitive prémonition ne tarda pas à se réaliser. Il fut assassiné lâchement, lui l'humaniste qui considérait : «Il y a dans les hommes plus de choses à admirer que des choses à mépriser.» Le fils du pauvre, écrit durant la Guerre de libération nationale à la lumière d'une lampe à pétrole, La terre et le sang et Les chemins qui montent sont les œuvres romanesques majeures léguées à la postérité et dédiées, dans un style saisissant, à la dure condition humaine, celle des «Fouroulou indigènes» de tous les temps, qui continuent de croire que l'instruction est le seul moyen de briser la misère «congénitale», et de réussir l'intégration sociale. On doit également à l'auteur d'autres œuvres éditées à titre posthume tels Jours de Kabylie, Les Isefra de Si Moh Ou M'hand, le Journal, Lettres à ses amis et La cité des roses. Ce dernier roman paru récemment fera l'objet demain d'une présentation, par Ali Feraoun – fils de l'écrivain – à la maison de la culture Mouloud-Mammeri, où se tient également une exposition retraçant la vie et le parcours de Mouloud Feraoun. Mouloud Feraoun naquit le 8 mars 1913 dans une famille modeste de paysans sans terre, au village de Tizi Hibel des Ath Douala (Tizi Ouzou). Il reçut sa première instruction en son village natal, avant d'obtenir en 1928 une bourse pour le collège de Tizi Ouzou, et d'être admis, 4 ans plus tard, au concours d'entrée à l'Ecole normale supérieure de Bouzaréah. Il se maria avec sa cousine Dahbia en 1935. Après une longue carrière d'enseignant, il devint en 1960 inspecteur des centres sociaux de Ben Aknoun à Alger.