Quarante-quatre écrivains francophones ont publié jeudi un manifeste intitulé «Pour une littérature-monde en français», afin de redonner au roman une ouverture sur le monde et le souffle de la fiction, contre une littérature nombriliste «sans autre objet qu'elle-même». Les signataires – parmi lesquels Tahar Ben Jelloun, Nancy Huston, Alain Mabanckou, Edouard Glissant et JMG Le Clézio – voient dans l'attribution des principaux prix littéraires français 2006 à des écrivains étrangers de langue française la «fin de la francophonie» et la «naissance d'une littérature-monde en français». «Le monde revient et c'est la meilleure des nouvelles. N'aura-t-il pas été longtemps le grand absent de la littérature française ?», s'interrogent-ils dans ce texte publié dans Le Monde des livres. Le monde, l'imagination, le souffle de la narration, avaient selon eux été mis depuis longtemps «entre parenthèses par les maîtres-penseurs, inventeurs d'une littérature sans autre objet qu'elle-même». «Soyons clairs: l'émergence d'une littérature-monde en langue française consciemment affirmée, ouverte sur le monde, transnationale, signe l'acte de décès de la francophonie. Personne ne parle le francophone, ni n'écrit le francophone», notent-ils. «Fin de la «francophonie», et naissance d'une littérature-monde en français : tel est l'enjeu, pour peu que les écrivains s'en emparent», poursuivent les signataires. «C'est à la formation d'une constellation que nous assistons, ou la langue libérée de son pacte exclusif avec la nation, libre désormais de tout pouvoir autre que ceux de la poésie et de l'imaginaire, n'aura pour frontières que celles de l'esprit», concluent-ils.