Résumé de la 3e partie n Oncle Alfred arrive à la ferme, il demande après les deux fillettes. Leurs parents essayent de dissimuler la vérité. Cette façon de dire «votre oncle» en parlant de lui à un âne et à un cheval étonna un peu le visiteur. Mais comme il se sentait de l'amitié pour les deux bêtes, il n'en fut pas du tout choqué. En s'éloignant vers la maison, il se retourna plusieurs fois pour leur faire signe avec son parapluie. Bientôt, la nourriture devint moins abondante. La provision de foin avait beaucoup diminué et on la ménageait pour les bœufs et les vaches qui méritaient, soit par leur travail, soit par la qualité de leur lait, des soins particuliers. Pour l'avoine, il y avait beau temps que l'âne et le cheval n'en voyaient plus. On ne les laissait même plus aller dans les prés, car il fallait laisser pousser l'herbe en prévision de la récolte de foin. Ils ne trouvaient plus à brouter qu'aux fossés et aux talus des chemins. Les parents n'étant pas assez riches pour nourrir tous ces animaux prirent le parti de vendre les bœufs et de faire travailler l'âne et le cheval. Un matin, donc, le cheval fut attelé à la voiture par le père, tandis que la mère emmenait au marché de la ville l'âne chargé de deux sacs de légumes. Le premier jour, les parents montrèrent beaucoup de patience. Le lendemain, ils se bornèrent à leur adresser des observations. Puis ils leur firent de violents reproches, s'emportant jusqu'aux injures. Le cheval en était si effrayé qu'il perdait la direction, ne sachant plus ni hue ni dia. Alors le père tirait si rudement sur les guides qu'il lui échappait un hennissement de douleur, à cause du mors qui lui blessait cruellement les lèvres. Un jour que l'attelage était dans une montée très rude, le cheval, essoufflé, allait avec peine et s'arrêtait à chaque instant. Il avait un lourd fardeau à tirer et n'était pas encore entraîné à fournir un pareil effort. Assis sur la voiture et les rênes en mains, le père s'impatientait de sa lenteur et des arrêts trop fréquents qui rendaient les reprises laborieuses. D'abord, il s'était contenté de l'encourager par des claquements de langue. N'ayant pas satisfaction, il se prit à jurer et il lui échappa de dire qu'il n'avait jamais vu d'aussi méchante carne. De saisissement, le cheval s'arrêta court et les jambes lui mollirent. — Allons, hue ! cria le père. Hue donc ! sale bête ! Attends voir, je vais te faire avancer ! Furieux, il le menaça de son fouet à plusieurs reprises et lui en cingla les flancs. Le cheval ne se plaignit pas, mais il tourna la tête vers son père et le regarda d'un air si triste que le fouet lui échappa des mains et qu'il rougit jusqu'aux oreilles. Sautant à bas de la voiture, il alla se jeter au cou de son cheval et lui demanda pardon de s'être laissé aller à une si grande dureté. — J'oubliais ce que tu es encore pour moi. Vois-tu, il me semblait n'avoir plus affaire qu'à un simple cheval. Quand même, dit l'animal. Oui, quand même c'eût été un simple cheval, il ne fallait pas lui donner du fouet aussi fort. Le père promit qu'à l'avenir il saurait se garder d'être aussi emporté, et il est vrai qu'il resta longtemps sans plus se servir de son fouet. Mais un jour que l'heure le pressait, il n'y tint plus et lui en donna un coup sur les jambes. L'habitude fut bientôt prise et il se mit à cingler sa bête presque sans y penser. Quand il lui venait l'ombre d'un remords, il disait en haussant les épaules : — On a un cheval ou on n'en a pas. Il faut pourtant bien arriver à se faire obéir. (à suivre...)