Résumé de la 1re partie n Il a roulé sa carrière en soldat. A la retraite, Sylvio est sur le qui-vive. Il fait mener une vie de «caserne» à sa femme, Elise. Pourtant, Elise est restée. Elle n'a apporté qu'une brosse à dents, une cafetière et un peignoir de bain. Le matin, elle repasse chez elle dans le centre de la ville pour se changer et ouvrir le bar. A dix heures du soir, heure de la fermeture, elle accompagne Sylvio jusqu'au pavillon de banlieue sous les réverbères, et là, en général, elle gare sa voiture jusqu'au lendemain. Ce soir, tout s'est passé ainsi. Comme d'habitude, Sylvio a sondé la nuit de ses jumelles, émis quelques sentences, proféré quelques menaces, puis Elise s'est endormie. Donc, Elise dormait lorsque les sirènes de police ont déclenché un bruit infernal dans la rue. A son côté, Sylvio aussi devait dormir puisqu'il a sursauté en grognant. Les voilà tous deux à la fenêtre, comme la plupart des riverains. Un attroupement s'est formé à l'autre bout de la rue, les gyrophares clignotent, une ambulance arrive en trombe. Ensommeillée, Elise scrute la nuit pour comprendre. «Regarde avec tes jumelles, Sylvio ! Qu'est-ce qu'il y a ? Un accident ? — Sûrement un accident. — Eh bien, regarde ! — ?a m'intéresse pas, j'ai sommeil.» Elise veut s'emparer des jumelles, mais son compagnon l'en empêche. «Laisse ça ! Tu ne sais pas les régler. — Tu as vu quelque chose ? — Moi ? Non, je dormais. J'ai pris un somnifère.» Effectivement, Sylvio a la mine chiffonnée et il retourne se coucher de mauvaise humeur. Elise contemple un instant les lumières des voitures de police, les lumières des pavillons, les curieux en chemise ou en robe de chambre ; elle aperçoit vaguement à 200 mètres une civière puis une autre que l'ambulance avale et emporte en hurlant. Elle referme la fenêtre sur l'humidité de la nuit. Ce n'est que le lendemain matin qu'elle se souviendra d'avoir fermé cette fenêtre. D'habitude, Sylvio ne se couche jamais sans la boucler, car il a horreur du bruit. Une horreur maladive, comme sa curiosité est maladive. Et Elise trouve bizarre cette fenêtre ouverte, comme elle trouve bizarre le manque de curiosité de Sylvio. Certes, il était trois heures du matin et, certes, il a l'habitude de prendre des somnifères au milieu de la nuit ; certes, mais logiquement il aurait dû examiner la scène, la décrire et la commenter du bout de ses jumelles. Autre sujet de réflexion pour Elise : Sylvio s'est endormi avec ses chaussettes aux pieds. «T'as vraiment rien vu cette nuit ? — J'ai rien vu, ça m'intéresse pas et, en plus, j'ai décidé de quitter ce quartier. On se croit tranquille et il y a toujours un imbécile pour faire du bruit. Je vais chercher une maison à la campagne. Le loyer sera moins cher et je préfère un chien qui hurle à une moto qui pétarade. J'ai la migraine et mal à l'estomac. Il me faut du calme, du vrai calme, le calme du désert avec juste le cri d'un coyote de temps en temps. Le bruit des hommes me rend malade. A ce soir» Elise a dit : «A ce soir.» En partant avec sa voiture, elle s'est arrêtée devant un cercle à la craie, une tache d'huile et des traces de sang. Deux ou trois badauds discutaient devant ce schéma macabre. Elise a demandé ce qui s'était passé. «Un accident, un type en voiture a percuté une moto. Le jeune motard a été tué sur le coup. Le type de la voiture est mort dans l'ambulance. Il était peut-être soûI.» Pourquoi Elise se sent-elle soulagée ? Avait-elle craint un moment que Sylvio soit mêlé à cette histoire ? En tout cas, elle a chassé l'idée lorsque, dans l'après-midi, Sylvio vient lui annoncer avec excitation qu'il a trouvé une maison habitable immédiatement et qu'il va déménager ce soir même. (à suivre...)