Hantise n La peur d'autres attentats a fait que les habitants de la capitale se sont cloîtrés chez eux plus tôt que d'habitude, hier. Boulevard Amirouche, au cœur d'Alger, hier mercredi,16 heures. Les lieux sont pratiquement vides. Passage quasiment obligé pour rejoindre le centre de la capitale pour sa proximité avec plusieurs stations de transport urbain (Tafourah, 1er-Mai…), le boulevard grouille d'habitude de monde. De surcroît aux heures de pointe. Mais en cette fatidique journée du 11 avril, il est déserté par les passants. Seuls les uniformes bleus des policiers en faction devant le commissariat central contrastent avec les haillons des dizaines de SDF qui hantent habituellement les «arcades». Les quelques téméraires qui osent une incursion par les lieux pressent le pas. La déflagration de la bombe qui a ciblé dans la matinée le Palais du gouvernement semble résonner encore dans leurs oreilles. Les images des corps déchiquetés diffusées par les chaînes de télé défilent devant les yeux et l'éventualité d'une autre attaque hante les esprits. Personne ne semble vouloir s'attarder dans cet endroit «à risque». A risque, car le boulevard rectiligne abrite tout simplement le siège de la Sûreté de wilaya d'Alger qui pourrait constituer une cible potentielle des terroristes. Les Algérois ont en mémoire les terribles images de l'attentat-suicide qui a ciblé le bâtiment en janvier 1995 et qui avait fait une quarantaine de morts et des centaines de blessés. Pour la plupart des passants. La circulation est d'une fluidité déconcertante. Pour rejoindre le Front de mer ou la Grande-Poste, les automobilistes font le détour par l'ex-Rue Charras, en dépit de son exiguïté. Partout ailleurs, Rue Ben M'hidi, place Audin, rue Didouche Mourad, les couples, qui, d'habitude, y déambulent avec insouciance, ont miraculeusement disparu. Les gens sont pressés de rejoindre leurs domiciles, pour ne plus ressortir. Jusqu'au lendemain. L'image la plus saisissante est celle de l'esplanade de la Grande-Poste. Depuis l'installation d'un écran géant, en septembre dernier, l'endroit ne désemplit jamais en début de soirée. Les enfants ont pris l'habitude d'admirer les aventures de Tom et Jerry après les cours et les jeunes les prouesses des grandes stars du football au grand bonheur des vendeurs de thé et de cigarettes qui profitent de l'aubaine pour arrondir la recette de la journée. Mais rien de tout cela en ce mercredi noir. Les lieux sont désespérément vides. L'image est d'autant plus frappante que pas plus tard que la veille, des centaines de jeunes et moins jeunes y ont veillé jusque tard dans la nuit pour suivre un match de la Ligue des champions d'Europe, créant une animation particulière. A quelques encablures de là, précisément à la place Emir Abdelkader, c'est le même décor. Les familles qui ont pris l'habitude de «descendre» des quartiers huppés de la capitale pour goûter aux succulents sandwichs de Quick, le restaurant de la célèbre chaîne mondiale qui a ouvert ses portes il y seulement deux mois, ont préféré dîner chez elles. A travers l'immense baie vitrée de l'établissement, on peut entrevoir quelques clients clairsemés, avalant à la hâte leur hamburger. A l'extérieur, les véhicules en stationnement se comptent sur les doigts d'une seule main. La psychose a plus que jamais gagné les Algérois. Seuls les SDF semblent épargnés par cet affolement collectif. Ils n'ont d'autre choix que de braver la mort. Mais ceci est une autre histoire…