Dérision n Moha… Le vent des sables, un monologue, a été présenté, mercredi et jeudi au Centre culturel français d'Alger. La pièce, adaptée de Moha le fou, Moha le sage de l'écrivain marocain Tahar Bendjelloun et mise en scène par Karim Tayeb, s'ouvre sur l'appel à la prière, celui du muezzin ; puis un homme entre sur scène. C'est Moha. Qui est-il ? Quelqu'un d'irréel, d'irrationnel, de fantaisiste. Il a l'air raisonnable à première vue mais immédiatement après la folie se manifeste en lui, d'abord légèrement, insensiblement, ensuite elle devient évidente, elle se révèle de plus en plus saisissante mais intéressante. Il se trouve que cette folie n'existe que dans la vision des autres. En réalité, Moha se révèle sage. Sa folie n'est que sagesse et pertinence. Car il est juste et distinctif. C'est parce qu'il a compris le monde qu'il apparaît authentiquement naturel. Dans ce monologue , Moha, franc et audacieux, critique la société, la sienne, après l'avoir observée et analysée. IL dépeint une société séculaire, archaïque et, pis encore, hypocrite, notamment à travers les gens de la religion qui, au nom de l'Islam, prétendent détenir l'unique et l'incontestable vérité, et qui imposent leur vision à la masse car ils pensent être les mieux placés pour distinguer le vrai du faux, le mal du bien. Moha, un personnage typique judicieusement interprété par Karim Tayeb, raconte et passe au crible, avec beaucoup d'humour, de sarcasme et de dérision, les sociétés musulmanes qui, encore, et à l'ère du progrès et de la modernité, végètent dans un traditionalisme stérile et dans un exercice petit, fermé et étriqué de la religion, des sociétés qui, en dépit de leur anachronisme, continuent à se maintenir – et à se complaire – dans cet état d'esprit très schématique et à cultiver la médiocrité et, du coup, la tartufferie. Ainsi, Moha qui semble aux yeux des «petits esprits» fou avec son excès de paroles, mais qui ne l'est surtout pas, démasque sans retenue ni ménagement l'imposture de ces prétendants détenteurs de vérité et prometteurs d'une vie juste et meilleure. S'agissant enfin du jeu, Karim Tayeb a su incarner et la sagesse de son personnage et sa folie, allant de l'un à l'autre, d'un état d'esprit à l'autre dans une circulation de gestes, de paroles et d'attitudes corporelles, fluides et aérées. Il a su, et sans tomber dans l'obsolète ou dans l'excès qui provoque l'ennui et la gêne, mettre en situation le texte de Tahar Bendjelloun. Le metteur en scène, pour conférer à son jeu plus de dynamisme et de sensibilité, plus de vérité et de vraisemblance, a réactualisé la pièce en l'inscrivant dans le vécu présent – il y fait d'ailleurs allusion au terrorisme islamiste (kamikaze). La pièce se veut une recréation plutôt qu'une simple transposition du texte sur scène ; et ce travail d'adaptation se veut, lui, une connaissance – et une reconnaissance – de la réalité sociale des sociétés musulmanes.