Record n A 21h 30, on l'informe qu'il sera, lui aussi, évacué. Un peu plus de 24 heures plus tard, on procède à la démolition de sa maison… Depuis les années 1950, la famille Oumira habite une maison coloniale sise à Bouchaoui-Marine, précisément au lieu dit Les trois-Eucalyptus. Elle appartenait au fameux Domaine Borgeaud, où fut employé le défunt père en qualité d'ouvrier agricole. Les documents exhibés par Ali Oumira, l'unique survivant de la fratrie, attestent que la famille était établie sur les lieux en 1956 déjà. Et c'est tout naturellement qu'à l'Indépendance, elle prend possession de la villa, devenue, de fait, un bien vacant. A la promulgation de la loi sur la cession des biens de l'Etat, dans les années 1980, les héritiers Oumira — au nombre de trois — entament les démarches pour acquérir définitivement la maison érigée sur un terrain de 2 000 m2. «Toutes nos tentatives sont restées vaines. Nous n'avons même pas reçu de réponse à nos différentes requêtes», fulmine Ali, non sans rappeler les fameuses résidences de Moretti, à quelques encablures de l'endroit, cédées au dinar symbolique à «qui de droit». Contre mauvaise fortune, la famille fait bon cœur. Elle vaque à ses occupations en espérant qu'un jour, peut-être… Entre-temps, les trois frères — c'était avant le décès de l'aîné et du cadet — avaient investi en aménageant un garage et un poulailler attenants à une superbe petite maison. Au début de l'année 2000, une rumeur fait le tour des domaines agricoles environnants. Les autorités auraient inscrit un projet d'extension de la résidence d'Etat du Sahel. Soit 123 villas à construire pour servir de refuges de luxe aux cadres supérieurs de l'Etat. «Nous ne voyions pas d'un mauvais œil l'éventualité de la concrétisation du projet. Nous étions disposés à déménager pour peu que les autorités consentent à nous indemniser… », dit encore notre interlocuteur. Fausse alerte, cependant. La maison des Oumira est à l'extérieur du tracé de la future résidence. La famille est d'autant plus rassurée que les autorités locales sont formelles : la villa n'est pas concernée par le plan de déménagement. «Le wali délégué de Chéraga ainsi que l'adjoint au maire de la même localité m'ont fait la promesse solennelle que ma maison ne sera pas touchée», rappelle Ali Oumira. Les appréhensions se sont définitivement dissipées quand la société en charge du projet entreprend la construction d'une clôture. La maison est bel est bien à l'extérieur du mur d'enceinte… Les procédures d'expropriation sont entamées à l'égard des autres locataires des lieux qui occupent, pour la plupart, des habitations précaires et des mises en demeure en bonne et due forme leur sont adressées. «Ce n'est que la veille de mon expulsion, soit le 14 octobre 2006, après la prière des taraouih, qu'un agent de l'administration est venu me signifier que je devais, moi aussi, déménager.» Oumira n'en revient pas. Il croit à une plaisanterie. Le surlendemain à l'aube, la force publique est réquisitionnée et les engins de l'APC se mettent à l'œuvre : la maison est démolie en quelques minutes. Ni les supplications du père de famille ni les gémissements des enfants, tirés de leur sommeil, n'ont amené les autorités, à leur tête le wali délégué, à y renoncer.