Déracinement n «Nous sommes déplacés depuis la création d'Israël en 1948. Nous avons perdu nos maisons, nos terres, nos fermes et tout ce que nous avions.» C'est le témoignage de Tawfiq Rashid, 81 ans, qui vit avec sa famille dans le camp de réfugiés jordanien de Baqaâ, près d'Amman, depuis la Guerre des Six jours de 1967. «Maintenant, nous n'avons plus rien, il ne nous reste qu'à rêver de retourner chez nous, mais ce rêve est si difficile à atteindre», poursuit le vieil homme, qui porte un sac de marchandises à travers les ruelles du camp miséreux. Environ 90 000 Palestiniens vivent dans Baqaâ, le plus grand des dix camps en Jordanie géré par l'Agence des Nations unies pour les réfugiés, l'UNRWA. La plupart y sont arrivés après le début de la Guerre des Six jours, le 5 juin 1967. L'agence onusienne s'occupe de quelque 4,2 millions de réfugiés palestiniens en Syrie et au Liban, en Cisjordanie et à Gaza, ainsi qu'en Jordanie qui accueille 1,8 million d'entre eux. Comme beaucoup d'autres Palestiniens, Rashid et sa famille ont été déplacés plus d'une fois depuis la création de l'Etat d'Israël en 1948, au gré des guerres successives entre les pays arabes et Israël. «En 1948, nous avons fui notre village de Beit Mahssir, à 20 km à l'ouest de Jérusalem, pour la vallée du Jourdain, puis en 1967, lorsque la guerre a éclaté, j'ai fui avec ma femme et mes enfants à Amman.» «Je me souviens que les Israéliens avaient détruit la plupart des maisons du village», affirme Rashid, un ancien employé de l'UNRWA. «Nous avons eu tort d'abandonner nos maisons si facilement, mais ce qui est fait est fait.» L'ancien chirurgien Othman Mahmoud, âgé de 70 ans, «le problème des réfugiés n'est pas politique». «Il s'agit des droits des populations. Israël a pris nos maisons, nos fermes et nos terres, et nous voulons retrouver nos droits, rien de plus», dit-il. «Nous savions qu'Israël nous vaincrait, avec ses armes et le soutien des Occidentaux, comme la Grande-Bretagne et la France.» «Nous n'avions que des volontaires sans armes pour nous aider. Ce fut un vrai désastre, mais la volonté de Dieu nous permettra de récupérer nos droits», assure-t-il, tout en sirotant un thé à la menthe devant sa clinique. Après des semaines de tension dans la région du Proche-Orient et d'interventions diplomatiques extérieures, Israël lança ce qu'il qualifia d'attaque préventive aux premières heures du 5 juin 1967 contre l'Egypte, puis la Jordanie et la Syrie. En 1994, la Jordanie est devenue le deuxième pays arabe à signer un traité de paix avec Israël, après l'Egypte. Mais les effets de la guerre et la violence qui se poursuit sans répit dans la région affectent toujours profondément la vie des réfugiés palestiniens.