Protestation n Initié par l'Union nationale des bâtonniers d'Alger (Unba), le mouvement de protestation à travers le territoire national se veut un appel de la corporation à la tutelle. Il est 9h ce dimanche matin, le hall d'entrée du tribunal de la rue Abane-Ramdane est plein de monde. Des visages fermés et des regards inquiets se tournent vers tous ceux qui portent des robes. Les justiciables, présents sur les lieux pour beaucoup depuis 5h du matin, sont abattus. «Déjà que ce n'est pas le bonheur qui nous amène ! Si en plus on doit supporter le report de notre jugement, on aura du mal à dormir encore quelques jours», s'exclame un vieil homme venu s'enquérir du sort de son fils dont l'affaire devait être jugée aujourd'hui. Vers 9h 30, les justiciables et leurs parents, pour ceux qui n'ont pas été mis au courant du débrayage, entrent dans les salles d'audiences. Aux portes de celles-ci, des avocats en robes noires s'y tiennent pour rappeler à leurs collègues que cette journée est une journée de protestation. «Le mouvement est largement suivi dans les cours d'Alger», atteste Me Hakim Belkhiti avocat. «C'est l'Unba qui a décidé de la grève. Celle-ci est menée contre l'exclusion de la famille judiciaire», explique-t-il. «On n'est pas associés aux décisions judiciaires, cela ne peut pas continuer comme ça.» Pour l'avocat, ce sont les poursuites pénales menées contre un avocat de Tlemcen, dont l'affaire est traitée aujourd'hui, qui a décidé la corporation à réagir de la sorte. «Le seul tort qu'il (avocat de Tlemcen) a eu avec son client, c'est de ne pas baisser les bras et de vouloir à tout prix plaider leur cause. Ce qui leur a valu des poursuites judiciaires»,affirme notre interlocuteur. Pour analyser les raisons de la colère, Me Belkhiti explique : «On est loin d'avoir toutes les conditions pour exercer notre profession. Il y a absence totale de moyens qui permettent d'accomplir notre métier comme il le faut. On rencontre pas mal d'obstacles, ce qui fait que le droit du justiciable est piétiné.» Et d'ajouter : «Avec la ‘'déforme'' de la justice et l'impératif de toujours aller vite dans le traitement des affaires, les avocats et les magistrats sont obligés de bâcler les affaires. On a envie de plaider les causes de nos clients. Avec 300 dossiers par jour, comment voulez-vous qu'on y arrive ? Dès qu'on se présente devant le magistrat, il nous presse de dire ce que nous demandons. On n'a pas le temps de plaider. Ceci est très préjudiciable pour nos clients. Je ne blâme pas les juges qui sont soumis autant que nous à ces nouvelles directives. Ils sont exténués et soumis à une pression terrible. De ce fait, que voulez-vous faire ? Vous allez vous appliquer à juger une vingtaine d'affaires normalement, le reste vous le bâclez c'est automatique.» «Nous voulons être impliqués dans les décisions judiciaires, nous sommes ouverts au dialogue. Or depuis 3 ans nous ne communiquons avec la tutelle qu'à travers des lettres», déplore notre avocat. Pour toutes ses raisons, l'Unba n'a pas trouvé d'autres moyens que de recourir à ce genre de protestation. Le mouvement sur le territoire national est prévu uniquement pour la journée d'aujourd'hui. «Pour ce qui est du Barreau d'Alger, il a décidé de bouder la cour d'une façon illimitée. Les raisons sont le non-respect du plan initial qui devait comprendre une salle de conférence, une bibliothèque, un espace professionnel et des sanitaires. Or, aujourd'hui, les avocats sont obligés de se retrouver dans deux petites salles de 37 m2 et de se partager les sanitaires avec les justiciables.» Dans un communiqué, l'Unba convoque tous les avocats pour une assemblée générale exceptionnelle le 13 juin à 14h au tribunal de la rue Abane-Ramdane.