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Quand l'eau vient de Tunisie !
À 32 Km de Souk Ahras, Sidi Fredj vit hors du temps
Publié dans El Watan le 04 - 01 - 2006

Portant un nom qui ne lui sied guère, Sidi Fredj est une commune isolée, qui a été longtemps esseulée, oubliée, voire exclue de tous les programmes de développement. Grâce à un plan quinquennal, elle est mise juste sur les rails. Le mieux pour elle, c'est de ne compter que sur ses propres moyens, car elle a beaucoup de ressources qui ne demandent qu'à être exploitées.
On quitte la ville de Souk Ahras vers Taoura puis on prend la direction de Maerahna. Ensuite, de cette localité distante de Souk Ahras de 26 km, au lieu de continuer vers le poste frontalier, on bifurque vers le sud et 6 km plus loin, on est à Sidi Fredj, après avoir traversé un îlot de pins vieux et rabougri donnant un ton de gaieté dans cette morne tristesse des frimas. De très vieilles voitures vous croisent, si bien qu'on se croirait dans un décor des années 1960 planté spécialement là pour le tournage d'un film devant se dérouler au lendemain de l'indépendance. Des tacots pataugent dans la gadoue censée être une route menant à une commune et joignant Ouenza dans la wilaya de Tébessa. A l'entrée d'un village qui semble être déserté par ses habitants, car il n'y a pas âme qui vive, une plaque portant une inscription en langue arabe El Bordj vous accueille. Il a fallu lire l'enseigne d'une bâtisse pour être fixé qu'on est au chef-lieu de la commune de Sidi Fredj. Sollicités de nous donner une réponse, les officiels se contredisent et on ne sait toujours pas si officiellement le chef-lieu de commune de Sidi Fredj s'appelle El Bordj ou Sidi Fredj, d'autant plus que le mot El Bordj désignait dans le passé une ferme d'un caïd de la région et que Sidi Fredj est une mechta qui existe toujours à 11 km dudit lieu. Sidi Fredj est le nom d'un saint de la région - pour certains, il s'agirait du nom d'un des compagnons du Prophète (QSSSL), venu lors des foutouhate. A écouter un agent de l'administration, on peut dire qu'officiellement la commune, née du découpage de 1984, porte le nom de Sidi Fredj et son chef-lieu, celui de cette mechta nommée El Bordj tout court. Accompagnant la parole d'un revers de la main, Djamel Gueraïbia, P/APC, qui semble minimiser ce détail, dira : « Il ne faut parler que de Sidi Fredj. »
Des efforts accomplis, le trabendo...
Pas âme qui vive - pas exactement -, puisqu'à notre arrivée, vers 8 h, c'est dans le café de Mohamed Berezguia, face au siège de l'APC, que nous trouvons du monde. La cinquantaine mais paraissant plus, le visage mangé par une barbe plus sel que poivre de deux ou trois jours, l'œil pétillant, Mohamed Berezguia, tout en s'affairant derrière le comptoir à presser des cafés pour sûrement des travailleurs pressés, anime la discussion, parlant des aberrations dont il a fait l'objet de la part de l'administration et de ses déboires quant à sa future retraite dérisoire attendue, devant être calculée au prorata de 24 ans de boulot, sans qu'on ait l'intention de tenir compte des 7 ans et demi accordés au fils de chahid. Ce qui le préoccupe dans tout cela, on l'aura deviné, c'est le fait que, lésé ainsi dans ses droits, il va perdre une bonne somme d'argent. Il a travaillé 24 ans dans une grande entreprise puis a quitté un jour son boulot, comme ça, faute de transport. Mais il a un café quand même qu'il exploite, se demanderait-on. Les frais de location qu'il verse à l'APC, et d'autres charges liées à l'électricité, au gaz butane, aux impôts et autres font qu'au bout du compte, il ne gagne rien, car il n'y a rien à gagner, puisque réellement personne ne vient au café. Le village compte en tout quatre cafés et environ 1000 habitants, la plupart d'entre eux le désertent dès le lever du jour, pour certains pour plusieurs jours. Il dit qu'il ne travaille qu'avec les visiteurs, qui sont tout aussi rares. Pas de visiteurs parce que la route de 35 km qui, venant de Merahma, chef-lieu de daïra, traverse le village pour rejoindre Ouenza, n'en est pas une, tellement elle est criblée, mieux sertie de nids-de- poule, voire de gouffres. Mohamed Berezguia en a après l'administration car il n'arrive pas à joindre les deux bouts pour faire vivre ses neuf enfants et leur mère ! Pis encore, il a dû les installer dans les vestiaires du stade qu'il avait squattés et en avait fait juste une pièce pas plus grande qu'un mouchoir pour sa famille nombreuse ! Son sourire complice, bon enfant, se voulant malicieux mais au fond empreint d'une naïveté décapante se transforme en un rictus qui en dit long sur ses déceptions quant à ces « deux poids, deux mesures », une amertume devant faire sans aucun doute de la peine à ses interlocuteurs. Djamel Salah, un autre bonhomme, pas loin de la cinquantaine, filiforme, sans boulot suite à la dissolution de l'entreprise où il travaillait à Souk Ahras, tourne tous ses espoirs et ses ambitions vers son fils aîné, dont il est fier d'ailleurs et qui a ouvert un magasin d'artisan en soudure, ayant réussi son diplôme dans la filière, et, dit-il, peine à l'aider. Un autre bonhomme, de fil en aiguille, arrive à parler des 55 milliards de dollars... Un autre évoque le passé glorieux de la région de Sidi Fredj comme étant un des bastions de la Révolution algérienne, puisque faisant partie de la fameuse Base de l'Est, puis plus tard comme bastion de résistance contre le terrorisme. De cette nébuleuse meurtrière, on n'en a pas souffert directement dans cette région, mais plutôt du fait qu'on leur ramène souvent un de leurs fils soldats - nombreux dans l'armée - dans un cercueil ! Un problème quotidien revient comme un leitmotiv, celui que constitue l'AEP, à laquelle on a droit un jour sur quatre, pour les uns, un jour sur deux, pour d'autres... Selon certains élus, un nouveau forage a été effectué, reste que le groupe moteur n'a pas l'énergie suffisante pour le pompage de l'eau. Un autre, qui a eu à visiter l'autre Sidi Fredj des complexes touristiques, n'hésite pas à l'évoquer... Sidi Fredj par où sont entrés les colonisateurs, et Sidi Fredj.... On entendra souvent cela au fil de nos discussions avec les habitants de cette région du pays... La commune de Sidi Fredj fait parler d'elle comme étant l'une des communes les plus pauvres du pays, puisqu'elle a été classée tristement comme telle avec quatre autres à travers le pays à la fin des années 1990. Elle s'étend sur une superficie de 200, 87 km2, ce qui fait d'elle, nous dit-on, la plus grande commune de la wilaya de Souk Ahras et l'une des plus étendues du pays. Elle se compose de deux zones distinctes, le nord avec ses terres arables et céréalières et celle du sud avec ses parcours et ses steppes. A ce propos, il faut dire que beaucoup de fellahs s'en prennent à la politique de la reconversion agricole, qui les prive au niveau de la steppe des avantages du PNDRA, puisque, quand il pleut, ils « cartonnent » en matière de céréaliculture. Outre les autres communes de cette wilaya, Sidi Fredj se trouve coincée entre les steppes de Tébessa et la frontière algéro-tunisienne, faisant face à la wilaya du Kef (Tunisie) sur une distance de 22 km. Cette région contiguë à la bande frontalière verra longtemps vivre ses habitants comme dans une sorte de no man's land. Lors du bornage des frontières en 1997-1998, une dizaine de familles se sont retrouvées en Tunisie, il a fallu les déplacer en leur construisant des habitations. De 1994 à 2004, les habitants de cette région de la commune, soit 3000 âmes résidant dans 8 mechtas, s'approvisionnaient en eau potable à partir de la Tunisie, munis d'une autorisation des services de la commune, parce que l'eau de cette région a un taux de salinité important, au-delà des normes de l'OMS. Les tracteurs traînant des citernes faisaient la navette entre les deux pays. Occasion toute trouvée de s'adonner à tous les trafics. D'un air plein de certitude, le P/APC dira : « Malgré l'adduction de l'eau potable dans cette région, on préfère leur laisser ces autorisations de circuler au-delà de la frontière jusqu'au confortement de l'AEP d'une façon définitive, et il n'y a pas de trabendo chez nous. » Pourtant, selon certains habitants, on fait passer le cheptel sans problème. Puisqu'on parle de la frontière, relevons cette information : en 2003, une soixantaine de familles tunisiennes sont entrées en Algérie, fuyant, disaient-elles, la hogra et la répression, dont elles étaient victimes, et voulant changer de nationalité. L'APC de Sidi Fredj s'en est occupée sur le plan humanitaire, puis, suite à des pourparlers avec les officiels tunisiens, certains hommes, accusés d'être des contrebandiers meneurs, ont écopé de 6 mois de prison avec sursis. L'on nous assure qu'ils étaient loin d'être contrebandiers. Les familles seront reconduites à la frontière et livrées aux autorités tunisiennes. En Tunisie, quatre hommes seront condamnés à des peines de prison. Selon certains proches parents de nationalité algérienne, ces quatre personnes, après leur condamnation, sont libres et vivent normalement.
Beaucoup de ressources à valoriser
Dans le cadre du programme quinquennal 2001-2004 de lutte contre la pauvreté et l'exclusion, institué à cet effet et concernant les cinq communes les plus pauvres du pays, beaucoup d'efforts ont été accomplis à Sidi Fredj, qui a entre autres bénéficié d'une enveloppe de plus de 16 milliards de centimes pour l'adduction de l'eau du barrage Aïn Dalia sur une distance de 18,3 km reliant Ouenza à la mechta Ouled Abbès près de la frontière. Le projet a été réceptionné le 5 juillet 2004. Au mois de mars 2005, six milliards de centimes sont octroyés pour la mise en place d'une autre canalisation à partir de Ouled Abbès vers M'ridef, devant approvisionner 5 mechtas, Madjen, M'Ridef, Sidi Fredj (mechta), Koudiat Safia, Chegaga. Ces infrastructures ont été réceptionnées, il y a une semaine, assure le P/APC. Il reste 3 mechtas à alimenter en eau potable, Meslat Lahsène, Lekrouma et Koudiat Medouara. Les élus bataillent pour la réalisation d'un barrage à Loulidja. Une autre urgence est en voie d'être prise en charge : le revêtement du chemin de wilaya n°1, la route dont nous parlions tout à l'heure. Lors de sa visite en 2005, Amar Ghoul a fait bénéficier la commune d'une enveloppe 110 milliards de centimes pour ce CW 1, qui sera, nous dit-on, classé route nationale. Les travaux viennent d'être lancés. Le P/APC compte profiter, nous dira-t-il, des travaux de revêtement de cette route pour consolider les pistes allant à certaines mechtas. Durant cette même année, « la commune a bénéficié de deux bus pour le ramassage scolaire et de deux dortoirs de deux cents places, un pour le lycée de Merahna, fréquenté par les élèves de Sidi Fredj, et le second pour le CEM de cette commune, qui sont en cours de réalisation », ajoute le P/APC. Beaucoup d'autres réalisations ont vu le jour. Selon le P/APC, les 500 demandeurs d'habitat rural seront satisfaites incessamment, d'ailleurs 450 d'entre eux auront sous peu l'arrêté. A ce propos, une personne nous a invités à faire un tour au quartier « la SAS » (section administrative spécialisée), des mots qui donnent froid dans le dos, rappelant les affres du colonialisme, quartier où une vingtaine de pères de famille sont en train de démolir leurs anciennes habitations pour y construire de nouvelles. Nous montrant une plate-forme et un gourbi à côté, cet homme sans âge, ayant sûrement vieilli du fait des conditions de vie très dures, nous dira qu'il y a investi 32 millions de centimes et que jusque alors, des 50 millions de centimes attendus dans le cadre de l'habitat rural, il n'a vu aucun sou, alors que sa famille passe des moments difficiles dans ce taudis. Le P/APC répliquera que le bénéficiaire doit mener les travaux à hauteur de 20% avant d'avoir droit à cette somme. A écouter le P/APC, on pourrait dire que le ministère du Travail et de la Solidarité a largement contribué aux efforts de développement de cette région. On peut citer entre autres les 4 milliards de centimes octroyés en 2003 pour l'électrification rurale. « Celle-ci en est à 95%, reste le branchement pour une cinquantaine de familles disséminées çà et là », selon les propos du maire. Un autre fonds d'un milliard de centimes a servi à l'aménagement d'un centre de santé et de trois salles de soins. De l'argent et des projets réalisés et d'autres à venir, il y en a beaucoup. Evidemment, on ne peut pas les énumérer tous. Cependant, à la question de savoir si en déclarant tout ce qui est positif, il ne risquerait pas de passer pour un optimiste béat et d'être accusé de ne servir que sa personne, et en faisant étalage de plusieurs projets réalisés, de ne plus recevoir une aide de l'Etat, le P/APC dira enfin : « Oui, c'est vrai, il existe toujours des poches de pauvreté. » Puis il insistera sur l'alimentation en gaz naturel, qui fait défaut, et qui peut se faire à partir de Merahna, soit 6 km. Pourtant, à y voir juste, on peut dire que la commune a de quoi entamer un essor avec ses propres moyens, puisqu'elle recèle plusieurs ressources qui ne demandent qu'à être valorisées et exploitées, des zones humides avec même un très joli lac, des sites archéologiques, des carrières de gypse et de sable, une flore si riche en plantes médicinales, etc. L'on parle de deux distilleries de romarin sauvage dont la production est exportée en Italie. Dans la mechta de Chegaga, limitrophe de Tébessa, l'on compte 5000 ha de figuiers de Barbarie, dont la plantation a été encouragée par le Haut-Commissariat du développement des steppes (HCDS). Il y manque juste une structure pour l'emballage et l'exportation. Actuellement, si cela se fait en direction de la Tunisie, où l'on ne s'encombre d'aucun scrupule quant au profit, c'est dans l'anarchie et le trabendo. Il faut relever aussi qu'en dehors du millier d'habitants du chef-lieu, les 7000 autres que comptent les 18 mechtas disséminées à travers la commune sont pour la plupart broyés par le chômage. C'est de ce côté-là que doivent regarder les pouvoirs publics. Une chose à concéder aux gens de Sidi Fredj : ils sont humbles et modestes, aimables et hospitaliers !


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