Entraves n «L'application des textes de loi relatifs à la lutte contre le blanchiment d'argent est rendue difficile en raison de la masse monétaire non comptabilisée dans les établissements bancaires et financiers», estime un cadre du ministère de la Justice. On ne le dira jamais assez, l'Algérie peine à suivre la cadence imposée par les exigences de l'économie de marché qui semble pourtant être un «choix irréversible». La réforme du système bancaire et financier, entamée dans les années 1990, n'est toujours pas finalisée et par conséquent loin d'avoir atteint tous ses objectifs. Même lorsque les lois sont amendées, leur application sur le terrain pose souvent problème. L'exemple le plus édifiant reste celui de la «bancarisation des transactions». Annoncée en grande pompe par le ministre des finances et codifiée pourtant par un texte de loi en bonne et due forme, cette mesure qui fait obligation aux opérateurs, entreprises et particuliers d'effectuer toute transaction commerciale ou autre dont le montant dépasse le seuil de 50 000 DA par voie bancaire, n'est pas accompagnée des outils nécessaires à son application. Une année d'application sur le terrain a montré toutes les limites de la mesure. Mourad Medelci, alors ministre des Finances, l'Association des banques et établissements financiers ainsi que d'autres spécialistes et organismes se sont relayés pour reconnaître que la réalité du marché algérien ne permet pas une application ferme de la mesure. Autrement dit, une grande partie de commerçants et de citoyens ne dispose pas de compte bancaire. Régulariser la situation nécessite, pour le moins, des délais plus conséquents et un nombre plus élevé d'agences bancaires. Or, le temps presse et il ne subsiste aucun doute que cette situation constitue une sérieuse entrave à la lutte contre le blanchiment d'argent. «L'application des textes de loi relatifs à la lutte contre le blanchiment d'argent est rendue difficile en raison de la masse monétaire non comptabilisée dans les établissements bancaires et financiers», estime M. Lakhdari pour qui «les mentalités archaïques» doivent être «combattues» puisque, explique-t-il, «en raison d'appréhensions et de l'esprit de thésaurisation, une masse importante d'argent échappe à la comptabilité et au contrôle». Pour remédier à cette situation, le directeur des affaires pénales prône une sensibilisation tous azimuts à l'adresse des citoyens. Ce qui aurait été une option tout à fait plausible si le scandale Khalifa n'était pas passé par-là. Convaincre les citoyens de déposer leurs économies à la banque après que des milliers de leurs semblables se sont retrouvés ruinés dans la faillite de Khalifa Bank n'est pas une mince affaire. Le responsable abonde dans le même sens en reconnaissant que «l'exemple de la banque El Khalifa qui a escroqué les déposants, et d'autres banques qui ont été fermées et poursuivies en justice n'a pas été pour encourager l'épargne et les dépôts». Cependant, estiment des experts, quand bien même la bancarisation des transactions serait imposée à tous et les moyens de son application mis en place, il subsisterait toujours une part non négligeable de transactions «au noir» tant que le commerce informel demeurera une réalité dans notre pays. Il est en effet inconcevable de voir l'étalier du coin qui ne dispose même pas d'un registre du commerce, passer en fin de journée à l'agence bancaire la plus proche déposer sa recette. Le constat est partagé par le Groupe d'action financière internationale (Gafi) qui relève la difficulté de faire appliquer ses recommandations dans les pays en développement en raison d'une économie basée sur «le cash, l'informel et marquée par le manque d'investissements».