Résumé de la 1re partie n Kholer confie son fils Georges à son ami Krantz qui doit apprendre au jeunot comment devenir le digne héritier de son père. Ensuite, tu apprendras à gérer les stocks, puis on te mettra à la comptabilité et, si tout va bien, tu finiras ton stage avec moi. Entre-temps, je te conseille de bien dormir la nuit et de faire du vélo le dimanche. Georges Kholer remercie, promet d'être à la hauteur de sa tâche et on le conduit à la chambre d'ami. «On», c'est le grain de sable, l'éternel grain de sable qui vient toujours se glisser dans les belles mécaniques humaines. «On» a vingt-deux ans, les cheveux sages, des yeux clairs et doux, un visage fin et souriant, une grâce discrète et une éducation religieuse sans faille. «On» s'appelle Anna et occupe dans la maison Krantz la modeste situation de bonne à tout faire. Anna porte donc les valises de «Monsieur Georges», ouvre les volets de sa chambre sur l'immensité des champs de houblon, prépare la couverture et se retire avec un charmant sourire timide. «Je vous souhaite un bon séjour, monsieur. Votre petit déjeuner sera prêt à cinq heures trente dans la petite salle à manger. Si vous avez besoin de moi, vous sonnez ici.» Anna est le seul vrai sourire qui ait accueilli le malheureux Georges, amoureux transi et repoussé par une secrétaire plus âgée que lui, ignoré par sa mère, terrorisé par son père et chahuté par son jeune frère. Y aurait-il enfin pour lui un peu de chaleur humaine ? Existerait-il quelqu'un qui ne songe pas immédiatement à le juger, à estimer ses capacités d'héritier du houblon, à se moquer de son air gauche et de sa timidité maladive ? Il sourit à la jeune bonne et, au fil des jours, ce qui devait arriver arriva... Chez l'ami Krantz, millionnaire du houblon dans les années 60, on n'a guère le temps d'examiner les problèmes domestiques. Mme Krantz, ce soir de juin, engage cependant la conversation sur ce sujet avec son époux. «Ader, nous avons un petit ennui avec Anna. — Ma chère, les histoires de bonne te concernent. — Elle est enceinte, ce n'est pas convenable. Une fille que j'ai sortie de sa famille à seize ans, vierge et pratiquante ! — Enceinte ? De qui ? — De ton protégé, évidemment, le fils Kholer. — Ce garçon a décidément le diable au corps ! Lui as-tu parIé ? — Je lui ai fait la leçon, bien entendu. Je lui ai expliqué que cette fille n'était pas faite pour lui et qu'il aurait pu au moins éviter de lui faire un enfant. Il est notre invité, mais tout de même ! Je tiens à cette fille, c'est une domestique parfaite et bonne lingère. Cela m'ennuierait de m'en séparer. — Eh bien, il n'y a qu'à lui proposer cent marks d'augmentation, elle pourra s'en tirer. — Ce n'est pas si simple, Ader, il est amoureux et mademoiselle ne supporte pas les moqueries du personnel ! — Diable, ça se voit tant que ça, qu'elle est enceinte ? — Il y a presque six mois déjà. — Ce garçon est un imbécile ! Me voilà obligé de prévenir son père. Après tout, c'est à lui d'indemniser Anna. J'ai peur que la situation ne soit pas si simple. Il a décidé de la présenter à ses parents et de l'épouser ! (à suivre...)