Résumé de la 35e partie n Lally aménage chez Rusty dans une vieille chambre située dans les souterrains de la gare. Un autre monde à découvrir. Le seul nuage à l'horizon, sa seule crainte, était qu'un jour on démolisse la gare. Quand le Comité pour la protection de Grand Central avait organisé la manifestation, Lally était restée inaperçue dans un coin, mais elle avait applaudi à tout rompre lorsque des célébrités comme Jackie Onassis avaient déclaré que Grand Central Terminal faisait partie de la tradition new-yorkaise et qu'elle ne pouvait pas être détruite. Mais bien que l'on ait classé la gare monument historique, Lally savait que beaucoup de gens cherchaient encore à la faire démolir. Non, Seigneur, s'il vous plaît, pas ma gare ! Elle n'utilisait jamais sa pièce pendant l'hiver. Il y faisait trop froid et trop humide. Mais du mois de mai au mois de septembre, elle y séjournait environ deux fois par semaine, juste assez peu souvent pour n'éveiller ni l'attention des gardes, ni la curiosité de Rosie. Six années avaient passé, les meilleures de la vie de Lally. Elle avait fini par connaître tous les gardes, les vendeurs de journaux, les guichetiers. Elle reconnaissait les visages des habitués, ceux qui prenaient tel train à telle heure. Elle en était même arrivée à distinguer les visages des buveurs invétérés qui rentrent toujours chez eux par le dernier train, se pressant d'un pas incertain vers leur quai. Ce lundi soir, Lally avait rendez-vous avec Rosie dans la salle d'attente principale. Elle avait beaucoup souffert de son arthrite durant l'hiver. C'était la seule raison qui l'avait empêchée de se rendre dans sa pièce. Mais cela faisait six mois maintenant, et soudain elle ne pouvait attendre plus longtemps. Je vais juste descendre voir à quoi elle ressemble, pensa-t-elle. S'il n'y faisait pas- trop froid, elle pourrait peut-être même y dormir cette nuit. Mais c'était peu probable. Elle descendit péniblement les escaliers vers le niveau inférieur. Il y avait peu de monde. Elle marchait sans se presser, attentive aux policiers. Elle ne pouvait prendre le risque qu'on la vît se diriger vers la pièce. Jamais ils ne la laisseraient y rester, même les types les plus gentils. Elle remarqua une famille avec trois enfants. Charmants. Elle aimait les enfants et avait été une bonne institutrice. Une fois qu'elle avait essuyé les quolibets de ses élèves sur sa laideur, elle s'entendait généralement bien avec eux. Non qu'elle désirât le retour de ces jours-là, pas pour tout l'or du monde. Elle s'apprêtait à descendre tranquillement la rampe vers la voie 112, lorsque son attention fut attirée par les lambeaux d'une doublure rouge qui dépassait d'un vieux manteau gris. Lally reconnut le manteau. Elle l'avait essayé chez un fripier de la 2e Avenue la semaine dernière. Il ne pouvait y en avoir deux pareils, pas avec cette doublure. Sa curiosité éveillée, elle observa le visage de la femme qui portait le manteau et s'étonna de voir à quel point elle était jeune et jolie sous le foulard et les lunettes noires. L'homme qui l'accompagnait... Lally l'avait déjà vu dans la gare. Elle remarqua les coûteuses bottes en cuir de la fille, le genre de bottes que portaient les gens qui prennent la ligne du Connecticut. (à suivre...)