Violence La crosse s?abat sur son épaule. Le jeune homme s?écroule en poussant un cri de douleur. Le petit cache de fer du guichet se soulève dans un grincement et la sentinelle aboie : ? Tu vas la fermer, bougnoule, sinon? Un moment, et le cache redescend dans un claquement sec. ? Tais-toi, Moncef, dit Ali, tu t?attires des ennuis pour rien, allez, viens t?asseoir ! ? Je suis libre, hurle Moncef, je suis libre de chanter. De quoi aurais-je peur ? Je vais peut-être mourir demain ! Min Djibalina... Mais Reda et Ali, ses compagnons de cellule, le ceinturent et Ali lui applique la main sur la bouche, pour le faire taire. Moncef se calme, et les trois condamnés à mort de Serkadji s?assoient sur leur paillasse, dans la semi-obscurité d?une faible ampoule électrique qui donne au cachot une atmosphère étouffante presque irréelle. Ils s?observent un moment en silence, le c?ur au bord des lèvres et pour faire diversion, Ali, le plus âgé des trois, s?exclame. ? Que diriez-vous d?une bonne chorba djedj hein ? Avec des pois chiches et une bonne dersa au piment et? Brusquement, la clé tourne dans la serrure, et la lourde porte s?ouvre, livrant le passage à un soldat qui s?avance, mitraillette au poing. Un autre garde la porte. ? C?est toi qui chantais, hein ? dit-il en regardant Reda. Viens, on va t?écouter dehors ! Moncef se lève d?un bond. ? Non, c?est moi qui chante. Et il entonne de toutes ses forces Min djibê? La crosse s?abat sur son épaule. Le jeune homme s?écroule avec un «aah !» de douleur. Mais il se redresse aussitôt sur les genoux et s?élance contre les jambes du soldat qui, pris par surprise, tombe à la renverse. Son compagnon intervient énergiquement, et un coup de godasse envoie Moncef rouler sur la paillasse. Ali et Reda qui s?interposent pour protéger leur ami, sont roués de coups à leur tour? La scène n?a pas duré plus de cinq minutes, et la porte se referme. ? Tu ne perds rien pour attendre ! lance le soldat derrière la porte. Les trois hommes restent un long moment étendus à terre essoufflés, le corps brisé par les coups reçus. Moncef se traîne péniblement jusqu?à sa couche. Sa respiration est sifflante. Il ne bouge pas. Quand les autres récupèrent, ils s?approchent de lui. ? Moncef, Moncef ! réponds ! Tu m?entends, mon frère ? ? Les chiens? répond faiblement Moncef, J?ai voulu lui prendre son arme, mais l?autre m?a devancé? les chiens ! (à suivre...)