Résumé de la 2e partie n Chemin faisant, Augustin apprend que Alinsintoé, pour avoir refusé de travailler les terres laissées en héritage, a été maudit par son oncle. Augustin hésite un peu. II ne voudrait pas manquer de discrétion. Mais la curiosité est la plus forte. A l'intérieur de la case, un grand Noir gît sur une sorte de natte. Seul. A côté de lui une gourde. Un peu plus loin, un plat grossier en terre cuite contient des restes de nourriture. Une sorte de bouillie de riz pleine de grumeaux. — Personne ne s'occupe de lui mieux que ça ? — Non, tout le monde sait qu'il est victime du corté. Alors ils ont peur de l'approcher. Ils ont peur que le corté ne les touche, eux aussi. Alisintoé, immobile et muet sur sa couche, fixe un regard mort sur Augustin. Ses yeux sont écarquillés et ses cornées sanguinolentes. Il murmure : — Tu es un médecin ? Augustin hésite un moment et répond : — Oui, je suis médecin. On va te sortir de là. Rien qu'à l'odeur putride qui remplit la case, une odeur de cadavre, Augustin sait qu'Alisintoé est mal parti. Autant le consoler par un pieux mensonge... En quittant la case, et en reprenant le chemin qui les ramène à la ville, Augustin et Alassane restent longtemps silencieux. Enfin, Augustin dit : — C'est curieux. Tu as remarqué : la peau d'Alisintoé, elle est comme celle du manguier auquel était suspendue la patte de coq. Il est couvert de grandes taches blanches. On dirait une sorte de lèpre. Tiens, j'ai une idée : on va s'arrêter au poste sanitaire. Je connais le médecin-chef : François Sabourin. C'est un ami à moi. Nous avons été à l'école ensemble. Alassane ne dit rien. Il sait que toutes les médecines des Blancs ne peuvent rien contre le corté. Au poste sanitaire, le docteur Sabourin semble revenu de tous les étonnements. Il offre un whisky à Augustin et Alassane et dit en tirant sur sa bouffarde : — Ah oui, Alisintoé ! Je le connais bien. J'ai été le voir dans sa case. Sa maladie est indéfinissable. C'est vrai, on dirait une sorte de lèpre. Mas l'évolution est extrêmement rapide. Je pense d'ailleurs le faire transporter à la léproserie. C'est plutôt pour qu'il ait une fin décente. Car aucun de nos médicaments ne pourra rien y faire. A partir de ce jour, Augustin, depuis son village en pleine brousse, s'informe régulièrement de la santé d'Alisintoé. Alassane semble toujours au courant de la situation. Comment ? Par quel moyen mystérieux ? Augustin n'en saura pas plus. — Alisintoé est mort hier. Quelques jours plus tard, Augustin et Alassane sont de retour dans le village de Babacar. La première chose qui frappe Augustin en arrivant, c'est l'absence du manguier, de l'arbre qui semblait maudit et lépreux. Celui auquel la patte de poulet et le flacon empli d'un liquide maléfique étaient suspendus. — Qu'est-ce qui est arrivé au manguier ? — Oh ! c'est normal. Sa vie était liée à celle d'Alisintoé. Le lendemain du jour où celui-ci est mort, il y a eu une tornade inattendue. Et le manguier a été déraciné. Babacar, lui, a repris la culture du lopin de terre de son père. Mais il n'a pas oublié de faire un sacrifice aux âmes des ancêtres. Ceux qui depuis l'au-delà gèrent les affaires des vivants. Pour peu qu'on sache comment leur demander.