Ambiance n Les repas sont servis dans les salles où les détenus purgent leur peine. Ce qui leur permet de reconstituer, l'espace d'un dîner, l'ambiance familiale qui leur fait tant défaut. Centre de rééducation et de réadaptation d'El-Harrach, samedi 18 h 30. Plus que quelques minutes pour l'appel à la prière du soir, synonyme de rupture de jeûne. Sur le trottoir en face du portail, une dizaine de jeunes attendent la sortie qui d'un frère qui d'un ami ou d'un voisin. Ils scrutent minutieusement le portail et ne semblent pas se soucier de l'adhan qui approche. Quelques dattes et une cigarette feront bien l'affaire. Idem pour les gardiens postés devant l'entrée principale et aux innombrables postes de surveillance. Pour eux, le travail continue normalement. Leur f'tour, ils le prendront au moment opportun. En attendant, c'est une prison qu'ils sont chargés de surveiller. Pas question de badiner avec la discipline. Leur estomac pourra bien patienter encore quelques minutes… A l'intérieur de l'établissement, l'ambiance est tout autre. Une animation particulière règne dans les salles de détention. Le f'tour, de même que les repas ordinaires durant le reste de l'année, n'est pas servi dans un réfectoire. Les détenus mangent dans la cellule où ils purgent leur peine. C'est plus pratique et cela leur permet de reconstituer, l'espace d'un dîner, l'ambiance familiale qui leur fait tant défaut. «Les repas sont déjà distribués il y a deux heures», nous avertit Djillali Azzouz, qui dirige l'établissement depuis 4 ans. L'expression «une main de fer dans un gant de velours» sied parfaitement à ce jeune gestionnaire tant les pensionnaires des lieux affichent une discipline à toute épreuve, mêlée à une bonhomie peu coutumière de ce genre d'endroit. «Nous prenons le soin de distribuer les repas durant le ramadan à 16 h 30 pour des raisons pratiques. Il nous serait impossible de servir à manger pour près de 3 600 personnes si nous commencions le service quelques minutes seulement avant l'adhan», explique-t-il. Pour garder les repas chauds – notamment la chorba – le personnel utilise des ustensiles spéciaux : des «norvégiennes». Ces dernières sont également utilisées par mesure de sécurité ; contrairement aux plats en inox, elles ne peuvent pas servir d'arme blanche en cas de bagarre entre les détenus. Pour la teneur et la qualité des repas, les prisonniers affirment ne pas se plaindre puisqu'en sus du menu prévu par l'administration pénitentiaire, ils ont à leur disposition le panier acheminé par leur famille, d'autant qu'ils sont majoritairement originaires de la capitale et de ses environs. Mieux, durant le mois sacré, nous apprend encore M. Azzouz, ils ont droit à un second panier, outre celui autorisé lors de la visite hebdomadaire. C'est ainsi qu'au moment du f'tour, les détenus se retrouvent, comme à la maison, autour d'une table garnie. Une solidarité insoupçonnée naît entre ces jeunes. Ils se partagent tout : desserts, sucreries, viandes… Même ceux qui, pour une raison ou une autre, ne reçoivent pas de visite, sont conviés à la table. «C'est aussi et surtout à ça que sert une prison : la rééducation», lâche discrètement un employé.