Y a-t-il aujourd'hui un moyen d'atténuer ou à défaut de contrer, ces fluctuations monétaires aux effets pervers sur l'ensemble du tissu économique national ? Mustapha Mekidèche, l'économiste attitré du Cnes, admet qu'il faut désormais «s'orienter vers des zones d'approvisionnement autres que celle de la zone euro». Ainsi et afin d'éviter une érosion continuelle des capacités financières du pays, M. Mekidèche préconise une réorientation vers des marchés mondiaux où les transactions se font en monnaie américaine. Au sujet de l'équilibre de la balance commerciale, Habib Yousfi plaide en faveur d'un encouragement des exportations hors hydrocarbures vers l'Europe, mais cela ne peut se réaliser, selon lui, sans une aide consistante des pouvoirs publics en faveur des entreprises nationales à l'effet de contrer les tribulations de l'euro. L'autre recommandation préconisée est celle ayant trait à l'indépendance du pays, jusque-là tributaire du marché mondial des matières premières, quant aux intrants. Partant de ce principe, seul l'essor en Algérie des industries chimiques et pétrochimiques pourrait permettre au pays d'atteindre l'autosuffisance dans le domaine de la fabrication des intrants et diminuer de la sorte la facture de l'importation en provenance de l'Europe, elle-même tributaire des fluctuations de l'euro. L'idée de faire libeller les prix du baril du pétrole en euro fait depuis peu le tour des chaumières et le débat, en fait, ne fait que commencer. Seul Chakib Khelil n'est pas de cet avis. Interpellé récemment sur le renchérissement de l'euro, il s'est dit convaincu que la faiblesse du dollar, principale monnaie de paiement des exportations algériennes d'hydrocarbures, est amortie par la flambée actuelle des cours du pétrole. Comme argument, le ministre de l'Energie précise que «de 2001 à 2007, le dollar a perdu 40% de sa valeur mais dans le même temps, le prix du baril de pétrole a été multiplié par 3 ou 4, et pour la seule année 2007, il y a eu une augmentation de 30% du prix du baril», a-t-il expliqué, façon d'étayer son point de vue. Pour lui, l'atténuation des effets d'un dollar faible est aussi la conséquence de l'action des autorités monétaires du pays, notamment la banque d'Algérie et son rôle de régulation dans la gestion des réserves de change, qui s'élevaient à plus de 90 milliards de dollars. L'autre mesure «chirurgicale» préconisée par nos économistes, demeure la mise sur pied d'un marché à terme des devises de nature à permettre aux opérateurs économiques algériens d'acheter des devises à termes, tout en prenant les précautions utiles à l'entame de chaque transaction et en prenant en compte les turbulences monétaires. Il reste enfin à étudier l'éventualité d'aller dénicher des marchés d'approvisionnement hors de la zone euro. L'Amérique et l'Asie du Sud-Est, sont-elles, dès lors, perçues comme des destinations de rechange ? Existe-t-il réellement des possibilités de faire des transactions commerciales dans d'autres monnaies. Si en théorie, opter pour une «dollarisation» du commerce extérieur, surtout en matière d'importations, paraît comme étant la panacée ; en pratique la réalité risque d'être tout autre. «Trouver des marchés d'approvisionnement loin de l'Europe serait sans doute la plus mauvaise chose que puissent faire nos opérateurs en voulant échapper au diktat d'un euro fort», corrige un opérateur économique. «Outre la recherche de fournisseurs, les entreprises auront du mal à supporter les surcoûts du transport et de l'acheminement des marchandises. En d'autres termes, ils risquent de faire encourir des risques financiers supplémentaires à leurs entités économiques», précise-t-il.