Il suffit que le dollar éternue pour que l'économie algérienne s'enrhume. Les observateurs de la scène économique nationale voient d'un mauvais œil la dépréciation du billet vert par rapport à la monnaie unique européenne et s'en inquiètent. L'euro a grimpé hier vers 5h20 GMT jusqu'au niveau jamais égalé de 1,3879 dollar. Vers 9h GMT, il valait 1,3854 dollar, soit encore au-dessus de son précédent record de 1,3852 dollar établi le 24 juillet. Les retombées de cet état de fait sur l'économie algérienne sont semblables à un couteau à double tranchant, estime Mustapha Mekidèche, économiste et vice-président du Conseil national économique et social (CNES). L'impact se fera sentir dans la structure du commerce extérieur aussi bien au niveau des exportations que des importations, a-t-il expliqué. Pour ce qui est des exportations, Mustapha Mekidèche rappellera que l'Algérie exporte essentiellement des hydrocarbures dont les cours sont en dollar. « Les observateurs ne remarquent que la hausse du prix du baril mais perdent de vue la valeur du dollar. 65 à 70 dollars en 2007 ce n'est pas la même chose que l'année dernière. Ça ne représente pas le même pouvoir d'achat », a-t-il souligné. La première conséquence de cette situation est, selon cet expert, « l'érosion des capacités financières de l'Algérie ». S'agissant des importations, Mustapha Mekidèche craint une répétition du scénario de 2004, année où l'euro a commencé son envolée par rapport à la monnaie étasunienne. A l'époque, cela s'est traduit en Algérie par une augmentation des prix des biens et services importés en provenance d'Europe. Et de citer l'exemple du secteur de l'automobile où les prix des véhicules ont été majorés de 20 à 30% par les concessionnaires en raison de la flambée de l'euro. En somme, les produits importés ou fabriqués à partir d'intrants en provenance d'Europe seront plus chers et ce sont les ménages qui en pâtiront. Pour desserrer l'étau sur l'Algérie qui est touchée de plein fouet par la dichotomie d'un euro fort et d'un dollar faible, notre interlocuteur préconise une réorientation de nos importations vers des zones où les transactions commerciales se font en dollar, comme l'Asie, les Etats-Unis ou l'Amérique du Sud, afin de ne pas perdre au change. Un euro fort signifie, note-t-il, une perte de compétitivité pour le vieux continent. La réévaluation du dinar, telle que revendiquée par certains milieux, constitue, selon lui, « une fausse solution à un vrai problème car elle favorisera une augmentation des importations » qui, rappelle-t-il, sont passées de 12 milliards de dollars à environ 24 milliards de dollars en quelques années. Diversifier les sources d'approvisionnement Au lieu de cela, les entreprises devraient diversifier leurs sources d'approvisionnement et ne pas se contenter uniquement de la zone euro, recommande Mustapha Mekidèche. La fragilisation du dollar pose un autre problème, et pas des moindres, inhérent aux réserves de change qui sont sous forme de bons de Trésor US et qui de ce fait perdent de leur pouvoir d'achat et s'amenuisent, relève-t-il. Il est urgent, indique-t-il, que l'Algérie se dote d'une politique de gestion des réserves de change qui tienne compte de l'évolution du marché monétaire notamment la parité euro-dollar. Le président de la Confédération générale des entreprises algériennes (CGEA), Habib Yousfi, abonde dans le même sens que le vice-président du CNES en prônant lui aussi une diversification intelligente des fournisseurs de l'Algérie en s'orientant vers les zones avantageuses, selon la situation monétaire du moment. D'autant plus qu'au vu de l'évolution de la conjoncture caractérisée par un sévère déficit de la balance commerciale des Etats-Unis, il est fort probable que l'euro reste dominant pendant longtemps. L'Algérie qui est liée à l'Union européenne par un accord d'association est contrainte d'entretenir des échanges commerciaux avec cette communauté, souligne-t-il. Elle est désavantagée par le fait, qu'en dehors des hydrocarbures, elle n'exporte pas grand-chose vers ce continent. Les pouvoirs publics doivent aider les entreprises pour qu'elles développent leurs exportations vers la zone euro, de sorte à équilibrer la balance commerciale et contrer l'effet d'une monnaie européenne et la stratégie industrielle doit aller dans ce sens, avance M. Yousfi. Elle doit aussi favoriser l'essor des industries chimiques et pétrochimiques pour la fabrication d'intrants afin de diminuer leur importation d'Europe, conseille-t-il. Ce n'est que de cette manière que l'Algérie ne sera plus entièrement dépendante du marché international des matières premières et des retombées néfastes des fluctuations des devises étrangères.