Résumé de la 1re partie n Le ministre des Finances ayant eu vent que l'âne de Djiha faisait de l'or, loue celui-ci auprès de ce dernier... Devant ce ventre rebondi, Son Excellence souriait d'aise en pensant à la récolte d'or qui suivrait. On avait déployé sur le parquet et sur les sofas toutes les réserves d'étoffes et de tapis précieux de la maison. Une fois l'âne installé, le Ministre monta dans ses appartements. Mais sa nuit fut agitée. Il entendait l'âne, très nerveux, aller, venir, braire, se trémousser, piétiner d'une pièce à l'autre. Lorsqu'au petit jour il descendit, il ne restait plus un pouce de surface vierge, ni par terre, ni sur les sofas, ni sur les murs et jusqu'au plafond. Il était effondré. La ruse du compère éclata à ses yeux. Mais, après avoir bien réfléchi, il se dit qu'il ne voulait pas passer pour un imbécile et qu'il reconduirait l'âne à Djiha sans faire de remarque. De même qu'il ne soufflerait pas un mot de l'aventure à ses collègues. Après tout, ils avaient fait le pacte à sept. Il avait payé sa part. Les autres n'avaient qu'à en faire autant. Le jour d'après, l'âne fut donc hébergé chez le Cadi des cadis. Celui-ci paya son million. Il eut la même surprise et le même réflexe de silence que le Ministre des Finances. Et ainsi des sept plus hauts dignitaires du pays. Quand l'un d'eux demandait à l'autre : «Qu'est-ce qu'il t'a donné de bon l'âne de Djiha ?» L'autre répondait : «Le même qu'à toi.» Mais tous pensaient en eux-mêmes : «On se vengera ! Rira bien qui rira le dernier... Après cette prouesse, Djiha trouva prudent de s'éclipser. Il dit à sa mère : «Va chercher un naâche (brancard pour transporter les morts). Rapporte-le en pleurant et en disant à tous que ton fils est mort.» Pendant ce temps, il est allé creuser sa tombe et il a préparé une sorte de panneau en planches, de la même superficie que la fosse avec, à hauteur de la tête, un trou rond facile à obturer par un couvercle mobile. Il a dissimulé ce panneau dans les parages. Puis on procéda à l'enterrement. Djiha, avec l'or des fonctionnaires, avait muni sa mère de sommes assez importantes, car il imaginait qu'après toutes ces excentricités, peu d'amis accepteraient de porter son corps sur le brancard et qu'elle devrait les payer assez largement. Il s'étendit sur le brancard, se fit recouvrir du suaire et même laissa dépasser son pied droit avec un bout de suaire pendant, pour que le doute ne put régner sur son transport à sa dernière demeure. Les quatre hommes requis par la mère vinrent, soulevèrent le naâche et allèrent au cimetière en passant par la rue centrale de la ville pendant que la mère suivait, les cheveux épars, en se lamentant : «Djiha, ô Djiha, ia ouledi el ‘aziz... ô mon fils chéri.» Les porteurs, une fois arrivés, déposèrent le brancard à terre et Djiha fut allongé doucement au fond de la fosse. Puis ils se retirèrent. Alors Djiha qui avait tout prévu, étendit à terre une natte confortable, demanda à sa mère d'aller lui chercher un petit canoune et le fer à marquer au rouge les moutons aux initiales de son père ainsi que quelques provisions d'attente. (à suivre...)