Ecriture n La réalité des clandestins est un thème d'actualité qui inspire et nourrit la littérature. «Migrations : autres regards» était l'intitulé d'une rencontre de deux jours initiée lundi et mardi derniers par le Centre culturel français d'Alger autour des harragas ou clandestins. Une table ronde littéraire a été animée à bâtons rompus par Hamid Skif, auteur de La géographie du danger paru aux éditions APIC, où il est notamment question d'un clandestin qui vit en cachette, loin du regard des autres, dans une ville européenne. L'objet de la table ronde consistait à évoquer à travers la littérature, la réalité de l'immigration. C'est-à-dire poser la question : comment cette actualité est traitée par l'écriture et développée par l'imaginaire. Hamid Skif a tenu d'abord à relever que «l'écriture littéraire s'inspire et se nourrit de la réalité», et que «le traitement littéraire de l'actualité diffère selon les situations, les perceptions et les niveaux d'approche de cette même réalité.» «Si j'ai écrit sur les clandestins, c'est parce que je suis touché, bouleversé par ce drame, qui est une tragédie humaine», a-t-il dit. Et de préciser : «Je ne suis pas un écrivain engagé, loin de cela, sauf que cette actualité m'a interpellé, et j'en ai fait un roman.» Hamid Skif a expliqué que «les écrivains s'emparent du thème des harragas, le traitent et le travaillent sur le plan littéraire en fonction de la sensibilité de chacun et de sa vision des choses». Le thème a sa propre situation, sa propre expérience, donc sa propre histoire. Il a, en outre, indiqué que son roman est basé sur l'imaginaire. «Mon roman comprend une grande part de fiction à laquelle s'ajoutent quelques détails tirés de la réalité.» L'orateur a, ensuite, souligné que le rôle de l'écrivain n'est pas de dénoncer, mais de rendre compte d'une réalité. «L'écrivain n'est pas là pour produire de la compassion ou de la condamnation», mais de dire, de montrer. Et d'ajouter : «Mon travail en tant qu'écrivain n'est pas de faire un reportage, mais de produire un roman susceptible de toucher une grande majorité de lecteurs.» Ainsi, le reportage, qui relève de l'ordre du journalisme, se révèle limité, ne touchant qu'une seule frange du lectorat et ne disposant pas d'écho global, alors qu'un roman propre à la littérature s'avère manifestement capable de toucher toutes les franges du lectorat. Certaines critiques ont reproché à l'écrivain Hamid Skif – et à tant d'autres – d'aborder le thème de harragas seulement parce qu'il s'agit, ces dernières années, d'un phénomène de mode. Une façon de se faire connaître et de se faire un nom dans les milieux littéraires. Hamid Skif réagit fermement à ces propos : «On n'écrit pas et je n'écris pas parce qu'il s'agit d'un phénomène de mode. Le thème de harragas ou bien de l'immigration n'est pas un phénomène de mode, il ne date pas d'aujourd'hui, mais a toujours existé et a été abordé à plusieurs reprises et différemment en littérature.» Et de conclure : «La liberté qu'on revendique pour soi, on doit la reconnaître aux autres.» Autrement dit, l'écrivain dispose de la liberté en écrivant. Chacun est libre d'écrire ce qu'il veut, le préoccupe et l'intéresse. On n'écrit pas pour courtiser le lecteur.