Il aura suffi d'un menu pauvre au dîner, hier, pour que le couvercle de la marmite saute et que se déverse toute la colère qui couve depuis longtemps dans le campus. Résultat : des affrontements entre étudiants et forces de l'ordre avec au bout de la nuit de la casse et des blessés. Nuit mouvementée hier à la Cité universitaire de Vieux-Kouba avec des échauffourées qui ont duré des heures entre des centaines de résidents et des policiers anti-émeutes venus en renfort, tout comme d'ailleurs les agents de la Protection civile dépêchés immédiatement sur les lieux. Le calme n'est revenu qu'à l'aube, au prix de beaucoup de «casse», diront des témoins. Des blessés évacués vers les hôpitaux et des arrestations musclées sont à déplorer. Raison d'une colère qui a vite débordé : une histoire d'un menu où manquait du…. poulet. Tout a commencé à 18 h, l'heure de la grande chaîne pour rentrer au réfectoire. Ayant appris que le menu se composait de lentilles, de deux morceaux de casher et d'une orange, les étudiants ont vite fait d'afficher leur mécontentement et d'exiger, selon un étudiant en 3 e année de biologie, présent au moment des faits, une rencontre avec le directeur de la résidence ou avec un de ses adjoints. «En fait, on voulait aplanir beaucoup de problèmes car la crise couvait depuis longtemps. Il fallait trouver des solutions pour la restauration, l'hébergement, l'insalubrité et pour un tas d'autres choses», dira notre témoin qui, avec un petit pansement, soignait des hématomes sur son visage après avoir été piétiné, explique-t-il, à l'intérieur de l'enceinte à la suite d'un grand mouvement de panique, lorsque les étudiants contestataires ont appris l'arrivée des URS. La deuxième étape a été encore plus musclée. N'ayant été reçus par aucun responsable de la Cité U, les contestataires ont fait sortir un pick-up Dacia de l'intérieur de l'enceinte pour bloquer la route. Le véhicule est renversé au milieu d'une rue connue pour son trafic dense et quelques pneus seront incendiés dans un petit périmètre. Un carrousel de camions de URS et des fourgons, gyrophares en action, arrivent en trombe. La circulation est vite déviée. Un grand nombre de curieux, entre riverains et passants, investissait les lieux. Ils sont vite dispersés par les agents de l'ordre qui ne se privaient pas d'user de leurs bâtons. Même les résidents de la cité U qui étaient dehors au début de la contestation et qui voulaient regagner leur chambre ont dû passer la nuit dehors, craignant faire les frais d'une bastonnade. Les minutes s'égrènent sans la moindre accalmie. D'une terrasse d'un bloc, des émeutiers inondent les policiers d'une pluie de pierres. Dans leurs carapaces, des URS tentent alors d'investir les lieux au moment où des sapeurs-pompiers s'affairent à éteindre les petits foyers de feu allumés çà et là. Les trois ambulances de la Protection civile peinaient pour se frayer un chemin entre les pneus calcinés qui rendaient l'air irrespirable. Un autre témoin, sorti de façon miraculeuse de l'enceinte après avoir escaladé deux murs, racontait en larmes que «Mokhtar el Adrari avait l'œil droit arraché» sans évoquer avec exactitude le déroulement de faits, ni parler des auteurs de ce méfait. Notre témoin parle de son copain de chambre à qui il restait seulement une année pour avoir sa licence en chimie. A environ un kilomètre de là, aux urgences du CHU Mentouri de Kouba, c'est l'effervescence.