“On ne va quand même pas faire le trottoir pour se restaurer !” Sans restauration depuis samedi et ce jusqu'hier, les 22 000 étudiants résidents de Constantine investissent depuis deux jours la rue pour crier leur colère. Aux coups de 6 heures, sous un froid glacial et à “jeûne forcé” depuis deux jours, les résidentes de la cité des 2000-Lits et leurs camarades de la cité du 8-Décembre-71 (El-Firma) ont quitté leurs pavillons pour investir la route d'Aïn El-Bey afin de dresser des barricades. C'est sous les chants et les youyous des jeunes résidentes que des barricades de fortune ont été installées pour isoler la région de Aïn El-Bey qui mène vers les wilayas de l'intérieur du pays et vers l'aéroport de la ville. Cette action de protestation est un prolongement de celle de la veille quand de 8 heures jusqu'à 16 heures, la même action a été menée par les étudiants. Ainsi, hier et jusqu'à 16 heures, la route était toujours barricadée. Des policiers au niveau de l'échangeur Massinissa et de Djenane Ezzitoun déviaient la circulation. Au niveau des cités des 2000-Lits et du 8-Décembre-71 des étudiants des deux sexes veillaient sur leurs barricades. Ce sont les piquets des services de sécurité, utilisés dans un usuel barrage fixe, qui sont “prêtés”, l'espace d'une protestation, sous les regards discrets de plusieurs dizaines de policiers restés en retrait. Pour dissuader certains automobilistes qui essayent de forcer le “barrage”, des étudiants n'hésitent pas à s'allonger à même la chaussée. Abdelmadjid, un résident fatigué par un jeûne forcé et une nuit blanche, raconte : “Hier, au niveau du rectorat on nous a rassurés que des sandwiches nous seront distribués le soir. Faisant confiance aux promesses des responsables, on a levé les barricades à 16 heures. Arrivée l'heure du dîner, rien n'a été fait.” Son camarade, Lyès, enchaîne : “Ce matin, de bonne heure, on a remis cela. Les étudiants non résidents n'ont pas été sensibles à notre démarche. Alors, aidés par les filles de la cité des 2000-Lits, on a forcé le portail du campus et on a vidé les amphis et les salles des étudiants non grévistes. Des représentants du recteur nous ont promis, cette fois-ci, de nous assurer la restauration au niveau du resto de Zerzara. Jusqu'à cette heure, on attend encore les bus pour nous y ramener mais rien. Et puis, quel est ce resto capable de servir 40 000 couverts au minimum ?” Wassila, une jeune de l'intérieur du pays, résidente à la cité des 2000-Lits, les yeux cernés et la bouche sèche, arrive difficilement à crier la colère de ses camarades : “Les travailleurs du Cous nous ont utilisés pour défendre leur cause. Si cette dernière est légitime, la restauration des étudiants est un service minimum qu'ils auraient pu assurer. Ils auraient pu nous servir sans tickets, car, nous sommes des filles de pauvres et on ne va comme même faire le trottoir pour se restaurer !” Pris en otages, les résidents des cités universitaires de Constantine, comme Abdelkader, ce père de deux étudiantes que nous avons rencontré sur les lieux déclare : “J'ai deux filles étudiantes. L'une est ici au campus d'Aïn El-Bey, l'autre à Zerzara. Elles sont sorties sans prendre suffisamment d'argent avec elles, soit juste de qui payer le ticket du bus. Comme ces derniers sont immobilisés, je suis inquiet à leur sujet.” À la résidence du 8-Décembre-71, la situation est dramatique : un véritable cas d'atteinte à la santé publique. Les femmes de ménage n'ont pas travaillé depuis samedi. Les sanitaires sont dans un état inqualifiable. D'ailleurs, une forte et désagréable odeur vous repousse à l'entrée du portail principal de la résidence. Pour rappel, ce sont près de 1 800 travailleurs de l'Office national des œuvres universitaires, éparpillés à travers les 9 résidences que compte la ville du vieux rocher, qui sont entrés, à partir de samedi dernier, dans une grève de trois jours, répondant ainsi à l'appel de la coordination des syndicats des résidences universitaires (UGTA). M. K.