Résumé de la 87e partie n Ernie a épinglé le billet gagnant de la loterie à l'intérieur de sa chemise. Dans le bar, il remarque Loretta qui semble souffrir... Il se faisait tard et les clients quittaient peu à peu le bar. Le couple assis à côté d'Ernie et à la droite de Loretta, se leva. Voyant qu'Ernie l'observait, Loretta haussa les épaules. «Sumac vénéneux, expliqua-t-elle. Qui pourrait imaginer qu'on trouve cette saloperie en décembre ? Mon imbécile de belle-sœur, la sœur de Jimbo, a décrété qu'elle avait les doigts verts et demandé à son abruti de mari de lui construire une serre près de la cuisine. Et qu'est-ce qu'elle y fait pousser ? Du sumac vénéneux et des mauvaises herbes. Il faut le faire !» Loretta haussa les épaules et reprit sa chope et sa cigarette. «Et toi, Ernie, comment va ? Quoi de neuf dans ton existence ?» Ernie resta prudent. Pas grand-chose.» Loretta soupira. «Dans la mienne non plus. Jimbo et moi, on fait des économies pour se tirer d'ici l'an prochain, quand il prendra sa retraite. Tout le monde me dit que Fort Lauderdale est un endroit super. Ça fait des années que Jimbo se crève à amasser du fric au volant de son bahut. Je passe mon temps à lui dire que je pourrais mettre du beurre dans les épinards en travaillant comme serveuse, mais il devient fou à l'idée qu'un type pourrait me faire du gringue.» Loretta se frotta vigoureusement la main contre son bras et secoua la tête. «Tu te rends compte, après vingt-cinq ans, Jimbo est persuadé que tout le monde me court après ! C'est plutôt flatteur, mais ça pose aussi de foutus problèmes.» Elle soupira, comme si tout le poids de l'univers pesait sur ses épaules. «Jimbo est le mec le plus passionné que j'aie jamais rencontré et ça en dit long. Mais comme le disait ma mère, une nuit au lit est encore plus agréable avec un portefeuille bien garni sous le matelas. Ta mère parlait comme ça ?» Cette expression frappée au bon sens de la sagesse populaire amusa Ernie. Il entama lentement son quatrième whisky-soda. Loretta hocha la tête. «Elle prenait la vie du bon côté, mais elle avait son franc-parler. Peu importe. Peut-être qu'un jour, je gagnerai à la loterie.» La tentation fut trop forte. Ernie se glissa par-dessus les deux tabourets vides aussi agilement que son corps alourdi le lui permettait. «Dommage que t'aies pas ma chance», chuchota-t-il. Tandis que Lou s'écriait : «Dernière tournée, les enfants», Ernie se tapota la poitrine à l'endroit du cœur. «Comme on dit, Loretta, j'ai touché le gros lot. Y avait seize billets gagnants pour la tranche spéciale de Noël et j'en ai un accroché sous ma chemise.» Ernie se rendit compte qu'il avait la bouche passablement pâteuse. D'une voix étouffée, il murmura : «Deux millions de dollars ! Qu'est-ce que t'en dis ?» Il mit un doigt sur ses lèvres, accompagnant son geste d'un clin d'œil. Loretta laissa tomber sa cigarette et la laissa brûler sur le comptoir du bar déjà sérieusement abîmé. «Tu te fiches de moi. — Pas du tout.» Il avait du mal à articuler à présent. «Wilma et moi on joue toujours le même numéro. l-9-4-7-5-2. 1947 parce que c'est l'année où j'ai eu mon bac. 52, parce que c'est l'année de la naissance de la petite Willie.» (à suivre...)