Résumé de la 93e partie n En comédienne subtile, Loretta sème le doute chez Wilma et Ernie. Mais Wilma est persuadée d'avoir été menée en bateau… Ernie contemplait sa femme d'un air piteux. Voir Wilma en larmes était un spectacle inhabituel. Son visage était boursouflé, son nez coulait. Il voulut lui tendre un mouchoir et heurta maladroitement l'oiseau de paradis en céramique qui était posé sur la commode derrière lui. Le bec de l'oiseau se brisa en mille morceaux sur les carreaux en faux marbre de la cuisine, redoublant les pleurs de Wilma. «J'espérais tellement que Willie cesse de travailler la nuit dans ce McDo, qu'elle puisse faire des études d'art et devenir un grand sculpteur, sanglota-t-elle. Et mon rêve est à l'eau.» Pour plus de certitude, ils allèrent au Friendly Shamrock, près du centre commercial de Paramus. Le barman qui travaillait dans la soirée, leur confirma qu'Ernie était passé hier soir un peu avant minuit, avait bu deux ou peut-être trois verres, mais sans parler à personne. «Il est resté assis au bar avec un sourire béat, comme le chat qui vient d'avaler un canari.» Après le dîner auquel ils ne touchèrent ni l'un ni l'autre, Wilma examina soigneusement le maillot de corps d'Ernie sur lequel l'épingle était encore accrochée. «Elle n'a même pas pris la peine de la défaire, dit Wilma avec amertume. Elle a juste arraché le billet. — Nous pourrions peut-être lui faire un procès», suggéra Ernie. L'énormité de sa bêtise lui apparaissait à chaque minute plus grande. Comment avait-il pu se soûler à ce point, se confier à Loretta ? Trop fatiguée pour lui répondre, Wilma ouvrit la valise qu'elle n'avait pas encore défaite et y chercha sa chemise de nuit en pilou. «Bien sûr qu'on pourrait la poursuivre en justice, dit-elle d'un ton sarcastique. Pour l'accuser d'avoir le cerveau qui fonctionne en face d'un pochard comme toi. Maintenant éteins la lumière, dors et cesse de te gratter. Tu me rends folle !» Ernie se grattait la poitrine dans la région autour du cœur. «Ça me démange», se plaignit-il. Ces mots rappelèrent vaguement quelque chose à Wilma au moment où elle fermait les yeux. Mais elle était tellement épuisée qu'elle s'endormit presque sur-le-champ, d'un sommeil peuplé de billets de loterie qui flottaient dans l'air comme des flocons de neige. Les mouvements désordonnés d'Ernie la réveillèrent par intermittence. Il dormait comme un sonneur, d'habitude. Vint la veille de Noël, grise et sans joie. Wilma se traînait dans la maison, disposant machinalement les cadeaux sous l'arbre, les deux cartons envoyés par Willie. S'ils n'avaient pas perdu ce billet, ils auraient pu lui téléphoner de venir les rejoindre. Sans doute ne serait-elle pas venue. Willie n'aimait pas le côté petit bourgeois des banlieues résidentielles. Dans ce cas, Ernie aurait pu quitter son job et c'est eux qui seraient aIlés la retrouver en Arizona. Et Wilma aurait pu acheter le poste de télévision à écran géant qu'elle avait contemplé avec envie au Trader Horn, la semaine précédente. Pensez donc JR en un mètre de haut ! (à suivre...)