Ignorance n Certains ignorent toujours que les ovaires de la femme n'y sont pour rien dans la détermination du sexe du bébé. La préférence des garçons aux filles est une spécificité des sociétés traditionnelles du Tiers-Monde, excepté les sociétés matrimoniales ou à éléments matrimoniaux, comme celle des Touareg, dans le sud du pays. Les femmes ont toujours souffert des ségrégations qui commençaient le plus souvent au berceau. La société algérienne n'a pas constitué l'exception et, jusqu'à il y a quelques décennies, cette ségrégation était assumée sans gêne. Même si nos contrées n'ont jamais connu les pratiques inhumaines qui avaient cours dans la péninsule Arabique durant la période antéislamique où les nouveau-nées étaient enterrées vivantes. Mais la naissance d'une fille n'est pas souhaitée dans la plupart des foyers. Le comble, c'étaient les femmes elles-mêmes qui perpétuaient la pratique. «Nous risquions la répudiation», se rappelle une octogénaire rencontrée dans une contrée de la Haute Kabylie. La répudiation était l'unique sort réservé aux femmes qui ne donnent naissance qu'à des filles. Dans le meilleur des cas, le mari prenait une seconde épouse plus jeune et plus apte à lui donner des héritiers. La brave femme raconte l'anecdote de sa voisine, mère de sept filles et qui a échappé au terrible sort en donnant naissance à deux garçons. «Elle a interdit à ses filles de se rassembler au même moment dans la maison lorsque leur père était là. C'était sa façon à elle de faire oublier à son mari la triste situation.» Notre interlocutrice, plusieurs fois grand-mère et même arrière-grand-mère, avoue qu'à chaque grossesse d'une de ses belles-filles, elle croise les doigts pour que ce soit un garçon. Sans savoir pourquoi, puisque les concernés eux-mêmes, à commencer par ses brus, ne semblent pas trop s'en soucier. Le temps a, en effet, fait son œuvre. La science aussi. Il est scientifiquement établi aujourd'hui que le sexe du bébé est déterminé par le père. La femme et ses ovaires n'y sont pour rien. D'où la diminution sensible du nombre de divorces liés à ce problème précis. Quoique certains ignorent encore tout de cette découverte capitale de la recherche. Au hasard de nos discussions sur le sujet, M., gardien dans une banque publique, la quarantaine, laisse éclater au grand jour son ignorance : «Dieu merci, je suis père de trois garçons. Mais mon frère cadet n'a que des filles. Mais il doit assumer, car lorsqu'il a décidé de se marier j'ai tenté de le dissuader de prendre pour épouse celle qui ne lui donne aujourd'hui que des filles. J'avais remarqué que sa sœur aînée, mariée plusieurs années avant elle, n'avait aucun garçon…» Dans la tête du bonhomme, c'est une question de gènes et il faut prendre ses précautions avant de choisir la femme de sa vie. Lorsque nous lui avons expliqué que la science a démontré le contraire de ce qu'il croit, il n'a su que répondre… Cette façon de voir les choses est fort heureusement très circonscrite. «Cela ne me dérange nullement», «je suis indifférent», «une fille ou un garçon, ça reste toujours mon enfant», ou encore «je préfère… une fille», sont les réponses qui reviennent souvent chez de nombreuses personnes interrogées.