Constat n Les pouponnières publiques reçoivent des enfants en placement judiciaire dont le sort dépend entièrement de la justice. La pouponnière d'El-Biar a l'avantage d'être implantée dans un quartier résidentiel, plus précisément à la rue Poirson. L'accès de l'établissement est banal, mais il cache à l'intérieur de magnifiques espaces verdoyants. C'est là qu'on promène les enfants pensionnaires quand il fait beau. «Ici au moins on ne se retrouve pas directement dans la rue en ouvrant seulement la porte», se réjouit Mme Karadja, directrice de la pouponnière qui nous a accueillis dans son bureau. Un bureau qu'elle occupe depuis… 32 ans ! La dame a abandonné son poste d'enseignante en psychologie à l'université d'Alger pour reprendre les destinées de l'établissement. «J'avais trouvé là ce que je voulais», dit-elle. Aménagé autour d'un bâtiment central et des constructions annexes, le centre ne date pas d'aujourd'hui, mais bien de l'époque coloniale. Son ouverture, selon la directrice, remonte à l'année 1956. La pouponnière a une capacité d'accueil de 98 places, dont 89 sont actuellement pourvues. Selon la directrice, il reste 125 demandes de prise en «kafala» qui restent à satisfaire. Une tâche délicate du fait que les familles qui cherchent à avoir un enfant préfèrent surtout les petites filles. Cette situation n'est pas propre à la pouponnière d'El-Biar, mais plutôt une tendance générale dans tous les établissements d'accueil. «Ce qui est intéressant, c'est que tous les enfants sont pris en kafala. Il n'y pas eu de rejet», affirme Mme Karadja. A mesure qu'on avance dans le couloir, une forte odeur nous agresse les narines. «C'est le moment de changer les couches aux bébés», indique Mme Karadja. Les berceuses s'occupaient, en effet, à revêtir les poupons quand nous nous sommes introduits chez elles à l'improviste. C'est la panique : la présence d'un homme dans un monde qui donne l'impression d'être réservé aux femmes était suffisamment gênant pour les berceuses, des jeunes demoiselles pour la plupart. Nous sommes au rez-de-chaussée du bâtiment, au quartier des enfants plus ou moins âgés. Dans ce quartier se côtoient tous les enfants, garçons et filles ; sains ou handicapés. «Ce sont tous des enfants. Il faut leur apprendre à vivre ensemble. Il ne faut pas isoler les handicapés des autres», explique la directrice. Même s'ils ne sont pas isolés des autres pensionnaires, les enfants handicapés ne trouvent pas de famille d'accueil. Même sur le plan réglementaire, la première condition pour qu'un bébé soit pris dans le cadre de la kafala, c'est sa bonne santé. Mme Karadja a un autre souci : les placements judiciaires. A la pouponnière d'El-Biar, plusieurs anges sont là sur décision judiciaire. «L'avenir de ces enfants est inconnu. Avant que le juge ne donne la main levée, il est interdit de faire quoi que ce soit, notamment lui trouver une famille d'accueil», affirme la directrice. Au fond, tous les pensionnaires ont besoin de la main levée. Et pas nécessairement du juge.