«J'ai la joie, en ce 1er novembre 1500, de vous annoncer la naissance de mon fils Benvenuto ! — Il fera parler de lui, signore Cellini, comme son père.» Cet homme si fier est un ardent mélomane. Tout naturellement, il espère que son fils le suivra dans la voie de la musique. Mais il se trompe, car son rejeton se montre plus que rétif aux joies musicales qui ne sont pour lui rien d'autre que des «déplaisirs inexprimables». Pourtant, le jeune Benvenuto va laisser dans l'histoire de l'art une marque bien différente de ce qu'espérait son père. «Benvenuto, tu ferais mieux de travailler la flûte au lieu de perdre ton temps à modeler de la terre glaise !» Le jeune Benvenuto ne répond pas. Cela vaut d'ailleurs mieux car, malgré ses douze ans, tout le monde lui trouve un fichu caractère. En tout cas, Benvenuto est doué et, dès l'âge de quinze ans, il gagne sa vie avec ses sculptures. Il est décidément très habile de ses mains, pour manier l'ébauchoir et la mirette. Son principal problème est qu'il a la tête près du bonnet et qu'il manie aussi très bien l'épée et le poignard. «Benvenuto Cellini, pour avoir traîtreusement blessé un jeune citoyen de Florence, vous êtes condamné à six mois d'exil.» Benvenuto se réfugie à Sienne. Ses talents de sculpteur lui permettent d'assurer sans problème sa subsistance. Mais il se fatigue de Sienne et s'installe à Bologne, puis à Pise, et enfin à Rome. A chacune des étapes de son périple, il affine son talent, s'informe de nouveaux secrets techniques chez ses concurrents, mais néanmoins confrères. Le voici après trois ans d'errance, de retour à Florence. Est-il assagi ? «Benvenuto Cellini, le Tribunal des Huit vous condamne à la prison, pour avoir agressé au poignard un de vos concitoyens.» Mais Cellini connaît les secrets qui ouvrent les serrures. Il s'évade, et retourne à Rome. Son caractère ne s'est pas tempéré. A Rome, il ne se contente plus de querelles au poignard avec d'autres jeunes gens moins habiles que lui. Cette fois-ci il s'en prend à l'un des prélats de l'Eglise : rien moins que l'évêque de Salamanque. Les choses pourraient tourner mal ; cependant, à quelque chose malheur est bon : «Faites venir Benvenuto Cellini. Ce jeune homme semble avoir autant de talent que de fougue. J'aimerais le connaître.» Celui qui parle ainsi est un Florentin, lui aussi. Et pas n'importe lequel : c'est le pape Clément VII. Le commencement de la gloire pour Benvenuto... «Cellini, pourriez-vous créer un surtout de table d'orfèvrerie ?» «Cellini consentiriez-vous à inventer pour moi...» «signore Cellini, auriez-vous assez de temps libre pour m'honorer d'une statue ?» Les commandes des plus hauts personnages romains affluent. Que Cellini ait la sagesse de se consacrer à la création d'œuvres admirables et rien ne peut plus l'atteindre. Mais son démon personnel veille... Benvenuto Cellini, ce soir, ne décolère pas. Il vient d'apprendre que Cecilia, qui fut sa maîtresse il y a trois ans et qu'il a abandonnée pour repartir à Florence, a refait sa vie avec un autre. Enfin, c'est le bruit qui court... Sans réfléchir davantage, Cellini se rend chez elle, enfonce la porte, bouscule la servante, pénètre dans la chambre de Cecilia et la transperce de son arme. Le galant qui est à ses genoux reçoit, lui aussi, des blessures graves. (à suivre..)