Résumé de la 1re partie n Après avoir découvert le départ de son garçon d'écurie, Bohannon, propriétaire d'un ranch, enfourche «Buck» et s'en va en promenade... Sur la route noire et bombée, semée de trous, il tire sur les rênes pour diriger Buck à gauche, vers le haut du canyon. Il ne se rappelle pas combien de garçons d'écurie il a perdu depuis Rivera, le tout premier – pour celui-là, il n'avait pas été surpris : Rivera voulait être prêtre et n'avait cessé de s'y préparer. Puis il y a eu George Stubbs, un ancien coureur de rodéos, déjà vieux à son arrivée chez Bohannon et que son arthrite a finalement envoyé à l'hôpital. Puis une série d'alcooliques, de vagabonds, de gamins paresseux ou inexpérimentés et une fille même, qui travaillait dur mais l'avait quitté pour se marier. En embauchant le jeune Kelly, Bohannon s'était promis qu'il serait le dernier. Si Kelly s'en allait à son tour, cela voudrait dire qu'il était temps de laisser tomber et de vendre le ranch à un promoteur immobilier, comme tout le monde semblait le faire dans ces vallées. Ce n'était plus désormais que du travail, et jamais de plaisir. Pourquoi s'entêter dans cette galère ? Il a maintenant parcouru trois kilomètres en remontant le canyon et quitté la route principale. Buck est plus attentif que lui à ce qui se passe autour d'eux et il bronche. Pas comme un cheval capable de désarçonner le meilleur des cavaliers. Buck, après tout, n'est plus tout jeune. Il accuse quinze ans, au moins. Et il est lourd. Alors, quand il bronche, il désarçonne presque Bohannon, sans plus. L'homme doit lutter, une seconde, pour se maintenir en équilibre. C'est un dur à cuire, mais à cinquante-deux ou cinquante-trois ans, ses réflexes ne sont plus ce qu'ils étaient. — Eh, qu'est-ce que... ? Les mots ne sont pas sortis de sa bouche que, déjà, il a compris. Un homme est étendu, la face contre terre : moitié sur la piste, moitié sur le talus. «Doucement !» Bohannon fait tourner la tête à Buck, ils traversent la route, Bohannon saute à terre et attache les rênes à un tronc d'arbre. Il caresse une ou deux fois, pour le rassurer, les flancs palpitants de Buck et retraverse en direction de l'homme. Il s'agenouille pour le toucher, pose délicatement deux doigts sur la nuque, derrière l'oreille. Nul besoin de chercher le pouls : l'homme est froid. Il est mort depuis des heures. Bohannon a été longtemps l'assistant du shérif. Il sait ce qu'il faut faire en pareilles circonstances. Toujours accroupi, il regarde autour de lui, d'abord le paysage qui l'entoure, le canyon, les arbres, le lit de la rivière à sec en contrebas et la pente qui s'élève sur sa droite. Ensuite, il examine les abords. Près du corps. Des éclaboussures de sang. Puis encore plus près, autour des semelles de ses bottes – feuilles d'eucalyptus recroquevillées en forme de faucilles, feuilles de chêne mortes, aiguilles de pin, cailloux, pas de balle, pas de douille. Quant aux semelles de l'homme, rien n'y adhère. (à suivre...)