Il était ce qu'il en était. — Que la paix et l'abondance soient sur toi ! — Notre chambre est en soie, votre chambre est en lin et la chambre de l'ennemi est un nid de souris. Messieurs et nobles Seigneurs, que nous soyons guidés, que vous soyez guidés sur la voie du bien et de la foi. Il y avait une femme stérile qui pria Dieu : — Ô Dieu ! donne-moi même un petit cygne ! Elle tomba enceinte, accoucha d'un cygne, pleura longtemps puis se consola : — C'est ce que Dieu m'a donné, je dois l'accepter. Le cygne courut se réfugier dans le poulailler et dormit avec les poules. Le temps passa, la saison de la cueillette des olives arriva et la femme reprit ses activités habituelles. Chaque jour, elle allait au champ, dès qu'elle sortait, le cygne ôtait son enveloppe de plumes, apparaissait alors une ravissante jeune fille, aux cheveux d'or. Elle se mettait à ranger la maison, à tout nettoyer puis, elle préparait le repas, faisait cuire du pain et vers le soir, avant que la mère ne rentrât, elle courait remettre sa peau de plumes et se réfugier auprès des poules. La nuit, la femme rentrait épuisée, rompue, découvrait la maison propre, le dîner prêt et s'exclamait : — Dieu, garde en vie mes chers voisins ! Ils m'aident sachant que je n'ai pas de fille. Et tous les jours ainsi, dès qu'elle sortait, le cygne se débarrassait de son enveloppe et se mettait à faire le ménage et à cuisiner. Un jour, M'hammed le fils du sultan, qui habitait à côté, monta sur la terrasse arroser ses plants de basilic. Il surprit le cygne qui, sortant du poulailler, enlevait ses plumes et laissait apparaître une fille d'une beauté exceptionnelle, aux cheveux d'or étincelants. Le prince en fut subjugué et resta pétrifié à l'admirer sous le soleil brûlant. Sa mère ne cessait de l'appeler d'en bas : — Mon fils ! descends, tu vas être malade. Il se taisait, ne répondait pas et continuait à regarder le cygne, étonné de ce mystère divin. Le soir ne tarda pas à venir et il la vit remettre ses plumes et rentrer dans le poulailler. Il descendit de la terrasse tout tremblant, malade. Sa mère accourut, lui frictionna le crâne à l'eau de fleurs d'oranger et le gronda : — Je t'ai dit de pas trop t'exposer au soleil, maintenant t'es malade ! Elle l'aida à s'allonger, le couvrit chaudement et s'apprêta à sortir quand il l'arrêta : — Mère ! s'il te plaît, va voir notre voisine, tante Fatma, demande-lui le cygne que je puisse jouer avec lui et me distraire un peu. — Je ne peux pas mon fils, cette femme est très sensible, ce cygne avec lequel tu veux t'amuser, elle l'a porté en elle et l'a mis au monde. Non, non je ne peux pas la blesser et la rendre malheureuse. — Mère ! que Dieu te garde en vie, vas-y. Dis-lui que moi, ton fils chéri, suis malade et que je veux ce cygne pour me divertir un peu. La mère eut pitié de son fils et alla voir sa voisine qui lui répondit : — Va le prendre, chère sœur, il est au milieu des poules là-bas. La mère du prince prit le cygne et le donna à son fils qui se mit à l'examiner sous toutes les coutures, essayant, en vain, de lui retirer sa peau de plumes. Trois jours durant, il ne cessait de l'observer et de renouveler ses tentatives infructueuses.