Si tu vois une vieille qui pleure et sanglote Les larmes chaudes coulant sur ses joues Maudis-la et ne demande pas pardon Car elle est la sœur du diable borgne ! La vieille se disputa un jour avec le diable, chacun d'eux affirmait être le plus fort. Pour se départager, ils décidèrent de se tester. La vieille proposa au diable de commencer. Il avisa le jour du marché, lorsque les hommes viennent de partout vendre leurs produits : poules, œufs, légumes, etc., et s'arrêta à l'entrée de la ville où il attendit que quelqu'un passât afin de lui jouer un tour. Il vit venir un vieux portant une jarre pleine de miel. Il s'avança vers lui, se faufila entre ses jambes et le fit tomber. La jarre se brisa, le miel se répandit par terre et les gens s'écrièrent : — Allah Allah ! Allah ! Que tu sois maudit ô Satan ! Et chacun, après avoir maudit le diable, se baissa et lécha le miel avec son doigt jusqu'à ce qu'il n'en restât plus une goutte. Un des hommes présents, un sage, se retourna vers l'assistance et proposa : — Vous avez mangé le miel, maudit le diable, mais ce pauvre vieillard, venu faire des courses pour sa famille, avez-vous pensé à lui ? Vous lui avez mangé son miel, maintenant, que chacun lui donne un peu d'argent ! Et il tendit sa chéchia après y avoir déposé une pièce. La jarre, qui aurait rapporté cent millimes, en rapporta quatre cents et le vieux rentra heureux chez lui après avoir acheté le Bien et la Baraka. Le diable alla raconter ce qui s'était passé à la vieille qui lui dit : — C'est ce que tu as fait, toi ! Je te ferai voir, moi, ta mère, ce dont je suis capable ! Elle savait que dans un quartier du village vivait un couple très connu. L'homme, grand commerçant, honnête, bon musulman, mais jaloux, tenait sa femme enfermée et faisait garder sa maison par une chienne effrayante qui faisait fuir tous ceux qui se hasardaient à s'approcher de la porte. La vieille savait parfaitement tout cela et prit ses précautions. Elle passa chez le boucher, acheta une demi-livre de viande et rentra chez elle. Elle découpa la viande, roula les morceaux dans de la harissa fort piquante, puis se dirigea vers la maison du commerçant. Elle s'approcha de la porte, la chienne, sentant l'odeur de l'étranger, se mit à aboyer de toutes ses forces. La vieille lui lança alors un morceau de viande fort pimentée, puis un deuxième, un troisième. A la fin, la chienne était affolée et les yeux pleins de larmes ; la vieille frappa à la porte. L'épouse du commerçant, occupée à préparer le déjeuner, s'étonna que quelqu'un osât frapper à la porte. Elle s'approcha pour savoir qui était là, vit la chienne en larmes ; et, saisie de stupeur, demanda : — Qui est là ? — Ouvre, ma fille ! Je viens voir ma malheureuse sœur ! — Quelle sœur ? Il n'y a que moi ici et je n'ai pas de sœur ! Ta chienne, regarde, tu la verras pleurer. C'est elle ma sœur ! Elle m'a reconnue. Elle avait un amoureux auquel elle s'est refusée, il l'a maudite et elle s'est métamorphosée en chienne. Si toi, ma fille, tu as un amoureux, va le voir, sinon tu deviendras une chienne comme elle. (à suivre...)