Résumé de la 15e partie n Charlotte de l'agence immobilière apprend à Georgie-Ann que l'acheteur de la maison n'est autre qu'Alexander... Je tendis donc les bras vers Alexander afin que nous dansions ce dernier tango. Il me serra contre lui. Le parfum des citrons parvint à mes narines. Je crus entendre des lames se briser. Nous arpentâmes le plancher du premier étage avec une langueur tout argentine, puis nous revînmes sur nos pas, et recommençâmes. La troisième fois, comme il me faisait tourner sur moi-même en déployant le bras, ses talons se trouvèrent tout près du bord de la dernière marche. C'était précisément l'angle, et le moment, que je guettais depuis le début. Il me suffit de lâcher prise et, grâce à la force centrifuge de nos mouvements, Alexander fut projeté en arrière, aussi nettement que s'il avait tiré sur une corde et qu'elle avait rompue. Il dégringola les marches une à une. Sa tête et son cou produisirent un craquement sec tandis qu'ils venaient frapper le plancher de chêne. Je me précipitai en bas. Me penchant au-dessus de lui, je rapprochai mon visage du sien. — Aidez-moi ! Telles furent ses dernières paroles. — Non ! Après qu'il eut rendu le dernier soupir, je frôlai des lèvres cet endroit, sur sa nuque, où les boucles formaient un duvet si doux. Puis je franchis le seuil et me dirigeai vers la cabine la plus proche d'où j'appelai police secours. — Un terrible accident, dis-je d'une voix étranglée par les sanglots. Dépêchez-vous. Quelle tragédie ! Comme c'est triste ! Un si bel homme ! Dire qu'il était sur le point de devenir célèbre. Les murmures s'élevaient de partout. Mais cela ne me troublait pas. Pas plus que la dernière vision que j'eus d'Alexander gisant au pied de mon escalier, le cou brisé. Je foule aux pieds cet endroit précis plus de vingt fois par jour sans éprouver le moindre frisson d'angoisse. Comme je vous l'ai dit plus tôt, mon sang-froid est aussi dur que le granit. On pourrait en faire une pierre tombale qui durerait mille ans. Par ailleurs, j'ai tellement d'autres choses en tête, ces temps-ci. Mon nouvel emploi ne me laisse pas une seconde de répit. Charlotte dit qu'elle n'a jamais vu quelqu'un apprendre aussi vite le métier d'agent immobilier. Elle oublie les mois que j'ai passés à chercher une maison. Et Alexander a été pour moi un si bon professeur. Mais je vous entends dire : non, ça ne peut pas se finir comme ça ! Comment est-il possible que je sois retournée parmi les vivants et que j'aie, de plus, préféré le bruit et la fureur des transactions commerciales au ronron rassurant de la vie universitaire ? La réponse est simple. L'acquisition de la maison puis sa rénovation ont nécessité des mesures héroïques et, pour tout dire, beaucoup d'argent liquide. Mais, par amour, on est prêt à tout ! (à suivre...)