Résumé de la 9e partie n Georgie-Ann n'a pas les moyens de payer la maison, elle songe à demander un prêt comme le lui a suggéré Alexander... Confronté à ma question, Alexander répondit : — Je n'avais pas compris que vous étiez sans emploi. À présent, je vois bien que ce que vous rapportent vos investissements ne suffit pas. Mais ne vous tracassez pas, Georgie-Ann, on va vous trouver une autre maison. Je ne voulais pas d'autre maison. Je voulais la maison de pierre dissimulée derrière la grande haie, celle dans laquelle Alexander m'avait entraînée sur un air de tango. La maison avec son hall central, son grand séjour du côté droit et puis, au-delà, sa salle à manger avec des fenêtres à meneaux. Il me suffisait de fermer les yeux pour imaginer l'éclat mat de l'argenterie. Tout au bout se trouvait une cuisine qui avait sacrément besoin d'être retapée. De l'autre côté du hall, il y avait la bibliothèque, deux minuscules chambres à coucher et une salle de bains. Il fallait grimper un escalier raide pour accéder à la plus belle partie de la demeure. Le premier étage constituait l'appartement principal. Je remplacerais les installations de la salle de bains, bazarderais les minables placards et installerais un dressing-room. Et il y avait, du côté nord, une immense baie vitrée. La vieille dame avait été peintre, me dit Alexander. En effet, je remarque qu'une légère odeur de térébenthine flottait encore dans l'air. Je voulais cette maison, oh, comme je la voulais ! Elle m'était destinée, je le sentais au plus profond de moi. Nous n'en continuâmes pas moins, Alexander et moi, à passer en revue les demeures disponibles. Soudain, je n'étais plus Georgie-Ann la recluse, mais une nouvelle femme qui ne tenait plus en place. Nous vîmes, Alexander et moi, de minuscules maisons à colombages de style Tudor, des ranches en séquoia et une douzaine de petits bungalows blancs à volets verts. Nous franchîmes des dizaines de porches affaissés, inspectâmes des régiments de tristes petits pied-à-terre. Je finis par connaître Nashville dans ses moindres recoins : les différents quartiers, leur cotes respectives, les chaudières, les systèmes d'air conditionné, les droits de passage et les sous-sols. Mais tout cela était vain. Car je n'étais pas le genre d'enfant qui, si elle réclame une glace au caramel peut se contenter d'une sucette à la cerise. Chaque soir, je me laissais aller au découragement. C'est alors qu'Alexander haussait les sourcils. — On y va ? — Oh oui ! implorai-je. Nous filions alors à travers les rues de Nashville et, après un brusque virage, pénétrions par l'ouverture de la grande haie, rapides comme des braqueurs de banques. Puis nous bondissions hors du véhicule, dansions le tango le long de l'allée, jusqu'à la maison. Et, une fois l'escalier gravi, nous virevoltions dans l'appartement du haut, avant de revenir à mon portrait. Comment ça, quel portrait ? Le portrait qu'Alexander était en train d'exécuter, bien sûr. (à suivre...)