Succès n La recherche de la bague dans une des nombreuses mains fermées en forme de poing, attire des dizaines de spectateurs, curieux de voir la dextérité, l'intelligence ou les pièges tendus. Les parties du «khatem» ne s'arrêtent jamais avant minuit. Elles réunissent près d'une cinquantaine de personnes dont plus d'une trentaine formant les deux équipes. Silences, murmures, regards fixes, suspense ; on y joue son honneur. Gare à celui qui n'a pas su «endormir» l'adversaire en ne se trahissant pas. Quelle torture pour le détenteur de la bague ! A lui échoit l'honneur de défendre le groupe. Les retraités de l'éducation, les anciens joueurs des différents clubs locaux et des différentes disciplines, les anciens dirigeants, les anciens moudjahidine : chaque groupe a ses tables et son style et les passants sont suivis des yeux, épiés, examinés. Ne parlons pas des rares groupes de femmes s'aventurant dans cet espace viril : certaines peuvent même trébucher à force de se sentir dénudées. La parlotte, les jeux de mots, les échanges où le regard possède également son sens, procurent du plaisir, un délice, mais personne ne souhaite être la victime expiatoire d'un échange verbal réputé même au-delà des frontières de la médina traditionnelle chère à Sidi Kebir. Sentiment d'appartenance à un groupe très fort lors du passage de la bague par le chef sous un tissu assez ample afin de ne rien laisser deviner du jeu qui se passe par en dessous. L'équipe adverse qui observe, examine, fixe des yeux les visages de ceux par qui la bague vient de passer, tentant de saisir une trahison dans les traits. Drôle d'équipes où certains sont grands-pères et qui s'impliquent totalement dans ce jeu ayant occupé toute la société algérienne à l'époque du couvre-feu. «Nous nous mettions face-à-face, hommes et femmes, filles et garçons, dans les longues chambres des maisons traditionnelles durant les veillées du ramadan à Bab Khouikha», se rappelle un des Hadj Messaoud. Jeu en provenance du Chem, de la Turquie ottomane pour d'autres, sa présence dans la ville traditionnelle de Blida implique sa préservation également aux côtés d'autres jeux de société faisant l'authenticité de la société blidéenne. «Seffek» pour éliminer un adversaire chez qui on ne soupçonne pas la présence de la bague. Manière prétentieuse de dire à l'adversaire d'ouvrir les deux mains ; aller prudemment avec un autre adversaire oblige à lui demander l'ouverture d'une seule main pour laisser l'autre après un passage ailleurs, chez d'autres adversaires. Le chef de groupe devient psychologue, hypnotiseur, chef maffieux mais gare à la défaillance. Les boissons se multiplient, les qalb ellouze et autres sucreries tournent autour, la cigarette ou la fumée du narguilé avec chéchia sur la tête apportent cette touche d'authenticité qui semblait avoir définitivement disparu. «Je ramènerai durant deux ou trois soirées des orchestres de musique chaâbie et cela sera institué pour toutes les soirées du prochain mois de ramadan», dira Si Nemdil.