Responsabilité n L'insécurité, l'insalubrité, le ras-le-bol et la mal vie se sont durablement installés dans nos villes. Qui doit en porter le chapeau ? La population, qu'on accuse de tous les maux ou quelqu'un d'autre ? Les pouvoirs publics ont une grande part de responsabilité dans la déliquescence de nos villes, aussi bien les décideurs que les gestionnaires, chacun à un degré ou un autre. Le délestage du courant électrique dans certaines agglomérations, par exemple, est souvent maladroit et perçu parfois comme une provocation parmi d'autres, mais celle-là était une de trop. A Dahmouni, dans la région d'Oran, par exemple, ces délestages ont été opérés curieusement au moment même de la rupture du jeûne, au mois de ramadan dernier pendant quatre jours successifs. Résultat : des émeutes populaires dont les autorités locales auraient pu faire l'économie. Dans certaines métropoles de la taille d'Oran, des rues entières sont livrées aux ténèbres le soir venu, ce qui rend ces quartiers comme St-Pierre et Sidi El-Houari totalement inaccessibles à partir de certaines heures et sont même à déconseiller. Du reste, la plupart des bandes organisées qui sèment la terreur sont issues de ces poches sociales que ce soit au niveau de la capitale, de Constantine ou de Annaba. Mais pour en revenir à ces délestages, le cas de Dahmouni n'est pas isolé. Les mêmes émeutes ont eu lieu il y a moins d'un an à Hassi Bounif, près d'Oran, pour les mêmes motifs et qui se sont soldées malheureusement par des violences inhabituelles, que l'on peut considérer comme un coup de semonce, en attendant le pire, en direction des autorités. Le comble est que dans certaines agglomérations, c'est l'inverse : les rues sont éclairées en plein jour, sans discontinuité. Pour quelques lampes grillées qu'on n'a pas cru bon devoir remplacer près de l'hôtel de ville d'une énorme cité, des rats se sont tellement engraissés qu'il ont fini par donner la chasse… aux chats. L'insécurité urbaine a même créé une nouvelle forme de violence très peu connue jusque-là : la violence féminine. L'attaque en plein jour de bijouteries est généralement le fait de femmes ayant des complices hommes. La chasse du pigeon à plumer est apparemment bien rodée dans le numéro de ces derniers qui s'enrichissent à chaque fois de nouvelles variantes. Même les commerçants dont c'est la véritable capitale, ont perdu le sourire, le sens du contact et sont devenus méfiants et, par certains aspects volontairement agressifs. Un citoyen a, d'ailleurs, failli se faire lyncher dans un grand marché pour avoir voulu choisir lui-même, dans les cageots, la taille et le calibre de ses pêches. Un autre s'est fait boxer par un marchand de légumes pour avoir critiqué très haut la qualité de son produit. Deux sexagénaires ont failli en venir aux mains à l'arrêt du bus pour une broutille. Les nerfs sont à fleur de peau partout, dans la rue, dans les lieux publics... On se supporte difficilement. Chacun s'isole. La dimension conviviale des villes s'effrite en même temps que leur façade, leur béton et leur rêve mort-né.