Résumé de la 3e partie n L'Ecossais essaie de faire jouer la carte de la convivialité avec l'hôte des Arabes pour se sortir du guet-apens que lui ont tendu les Français… Il y a un long silence. Raïssouli est visiblement ébranlé par cette réplique. Lui, le sultan des montagnes, se veut un musulman exemplaire, le défenseur des croyants, au contraire du sultan de Fès qui pactise avec les infidèles, alors il ne peut effectivement pas bafouer ainsi les préceptes de la religion. Mais au bout d'un moment, un sourire apparaît sur son visage, un sourire cruel. — C'est vrai, le Coran dit que je dois protéger celui qui est venu librement chez moi. Il est même écrit que je dois le traiter comme mon frère. Mais il y a aussi une sourate qui dit : «Si ton frère te demande de le tuer, tu le tueras.» Alors je vais faire en sorte que tu me demandes de te tuer ! Peu après, tandis que ses hommes se sont emparés de l'Écossais, il donne des ordres. Une tente est montée à l'endroit où ils se trouvent, à quelque distance de la citadelle de Tazrout, une très belle tente circulaire, au lourd tissu à motifs noir et blanc. A l'intérieur, Raïssouli fait installer tous les éléments d'un confort raffiné : des tapis, un sofa, une table basse. Harry Mac Lean considère ces préparatifs sans mot dire, mais avec inquiétude. En quoi consiste la raison qui va lui faire désirer la mort ? Le sultan des montagnes ne tarde pas à satisfaire sa curiosité. — Comme tu le vois, je ne manque pas à mon devoir d'hospitalité. Tu auras à manger tant que tu voudras et tu auras même deux des petits esclaves de mon harem à ta disposition comme domestiques. La seule chose qui ne te sera pas possible, c'est de fuir. Dix de mes hommes entoureront la tente, avec ordre de t'abattre si tu veux nous fausser compagnie. Mais en compensation, tu auras de la musique... Tandis que Mac Lean prend place dans la tente, deux musiciens, deux petits hommes secs à la peau tannée, viennent le rejoindre, avec de curieux instruments. L'un a une sorte de tam-tam fait d'une peau de mouton tendue sur une grosse poterie, l'autre, une flûte en bois courte et droite, avec seulement quelques trous. Il en souffle plusieurs notes et l'Écossais sursaute tant le son est strident. Le sultan des montagnes a un petit rire. — C'est perçant, comme son, n'est-ce pas ? C'est la raïta, la flûte des bergers. Avec cela, chez nous, ils se répondent d'une montagne à l'autre. Raïssouli fait un signe et le joueur de tam-tam se met à jouer à son tour. Mac Lean sursaute, il lui semble que la terre tremble. Comment un instrument de pareilles dimensions peut-il engendrer un tel vacarme ? A présent, la flûte se met à jouer à son tour. Le sultan des montagnes doit hausser la voix pour se faire entendre. — Que penses-tu de la musique de mon pays ? A partir de maintenant, ils vont jouer sans arrêt, nuit et jour. Et n'espère pas qu'ils se fatiguent : ils seront relayés toutes les trois heures, tout comme les sentinelles à la garde de ta tente. Tu n'as qu'une seule manière de ne plus les entendre : mourir. Pour cela, il te suffit de me le demander. Je viendrai dès que tu m'appelleras. A bientôt ! Et là-dessus, le Marocain se retire dans un grand rire. Dès lors, ce concert d'un genre si particulier ne s'arrête plus. La musique n'est plus aussi assourdissante qu'au début, les deux instrumentistes jouent moins fort, mais l'effet est lancinant et devient vite insupportable. La raïta ne comporte que six notes et elle répète la même mélodie, qui revient au bout d'une phrase extrêmement brève. Quant au tam-tam, il joue – si l'on peut appeler cela jouer – toujours sur le même rythme, des coups régulièrement espacés sans la moindre variante boum-boum-boum-boum-boum (A suivre...)