Angoisse n «Depuis les inondations du 10 novembre 2001 et le séisme de 21 mai 2003, nous ne dormons plus tranquillement. A la moindre précipitation, c'est la nuit blanche.» Ce sont, là, les propos de Sid Ali, un jeune rencontré à Bab El-Oued au lendemain du drame survenu à la rue Jean-Jaurès. Une phrase qui résume parfaitement la situation dramatique de nombreuses familles vivant sous un toit qui risque, à tout instant, de tomber sur leur tête. Selon ce jeune homme, seuls les enfants arrivent à trouver le sommeil car ils ne savent pas pourquoi leurs parents ou les grands frères veillent jusqu'au matin. Pour mieux illustrer ses propos, notre interlocuteur nous invite à nous rendre au bâtiment où résident sa famille et seize autres. À notre arrivée, l'immeuble N°15 sis à la rue Mohamed-Berikiai dans la commune de Bab El-Oued, offre un spectacle hideux. Tout porte à croire qu'il est inhabité du fait de son état de délabrement avancé. Mais l'existence de linge étendu aux balcons nous rend à l'évidence. «Dix-huit familles vivent depuis longtemps dans cet immeuble classé rouge par les services du Contrôle technique de la construction (CTC), après les inondations de 2001 et le séisme de 2003», indique le père de Sid Ali avant d'ajouter : « Le bâtiment a été construit en 1854. En 1998, il a fait l'objet de travaux de consolidation et de confortement, mais ce travail a été bâclé et expéditif». En effet, l'immeuble en question, légèrement incliné, présente un danger réel d'effondrement. Les escaliers sont fragilisés, les toitures des appartements sont complètement trouées, les plates-formes défoncées présentent des dégradations à différents endroits. Ce qui favorise des infiltrations d'eaux pluviales causant par la suite des dégradations importantes. «Quand les enfants jouent en descendant les escaliers, on a l'impression que l'immeuble bouge sous l'effet des vibrations», affirme Rezki Mokhtari qui a passé toute sa vie dans ce bâtiment. La façade de ce dernier et son mur latéral ont complètement perdu leur aspect. Les poutres soutenant les balcons et les planchers sont à découvert. Cependant, les multiples visites de contrôle qui ont abouti à l'établissement de procès-verbaux renseignant sur le degré de vulnérabilité de la bâtisse, n'ont servi qu'à «sa classification dans la catégorie rouge, ce qui a transformé nos vies en un cauchemar permanent», grognent les résidents qui se sentent livrés à eux-mêmes. Ils affirment avoir frappé à toutes les portes, mais aucune suite n'a été donnée à leurs requêtes. «Nous courons depuis 1998 pour avoir un logement décent. En vain. A chaque fois, les responsables nous demandent de patienter. Nous attendons toujours notre tour », indique un homme âgé qui espère vivre ses derniers instants en sérénité loin de la panique quotidienne. Les familles attendent avec impatience une opération de relogement qui mettra fin à leur calvaire. «Nous n'avons qu'un seul souhait : quitter ce bâtiment pour éviter d'autres drames», conclut Kamel Lakhel, dépité. Toutefois, la souffrance qu'endurent ces familles, concerne des centaines d'autres aussi bien à Bab El-Oued que dans la plupart des quartiers d'Alger.