Résumé de la 13e partie n Ayant découvert que le lieutenant avait un gros appétit, le vieux Kassi se mit à composer pour lui, comme jadis pour son fils, des petits plats, ce qui permit de resserrer leurs liens un peu plus... Lorsque les vedettes se montraient trop audacieusement, le lieutenant, auquel Kassi avait passé son chassepot, allongeait son bec d'aigle le long de la crosse, et, placide comme dans un stand, appuyait le doigt sur la gâchette. Le coup partait, assourdi par la brume, et le Prussien, battant l'air de ses bras, tombait. L'infaillible chasseur de chamois se retrouvait à cette singulière chasse, et le tirailleur applaudissait joyeusement, répondant par son hurlement de guerre aux cris d'angoisse des victimes. Les soldats en faisaient un jeu, en pariant sur le coup ; mais ils se lassèrent, le lieutenant ne manquait jamais. Au reste, les Prussiens se le tinrent bientôt pour dit. Pendant le reste de la journée, les deux amis ne purent apercevoir une seule pointe de casque. On allait se gîter pour la nuit qui tombait, lorsque Kassi, désirant ne pas rester en retard avec son ami, voulut, lui aussi, tuer quelques Prussiens. Il demanda son chassepot, s'assura, sur le pouce, de la pointe de son flissa et se glissa dans la brousse. Le lieutenant et quelques hommes restèrent là pour l'attendre, persuadés qu'il ne tarderait pas à revenir avec le sac des sentinelles, ainsi qu'il le faisait bien souvent. Kassi, joyeux d'avance à la pensée du sang qu'il allait répandre, rampait doucement. Après des détours savamment combinés, il entendit plus net, dans un creux de ravin, le pas d'une sentinelle qui frappait la terre, pour secouer la neige que le brouillard rendait agglutinante. Il continua à se raser jusqu'à un buisson, déposa son fusil, et tirant son flissa, laissa le Prussien dépasser la touffe où il se tenait. Puis, selon son habitude, il lui sauta sur les reins par-dessus le sac, le renversa du choc et, sans qu'il pût pousser un cri, lui coupa prestement la gorge. Le couteau rouge entre les dents, il commença à le dépouiller, lui tirant les bottes, dont les nôtres manquaient. Tout à coup, il s'aplatit à terre. L'autre vedette arrivait, n'ayant rien entendu qu'un bruit sourd de chute sur la neige, mais, méfiant, l'arme prête, car le sang du mort s'échappant des artères susurrait sinistrement. Devant cet homme sur ses gardes, Kassi, avec son flissa, se sentit désarmé. Rapprochant ses jambes sous lui, il les détendit comme un ressort et retomba dans la touffe où était caché son chassepot. Le Prussien tira au vol et manqua. Pendant qu'il rechargeait, en appelant aux armes, Kassi arma à son tour et les deux ennemis se cherchaient du regard, accroupis tous deux dans la broussaille pour se cacher. Le Kabyle, avec ses yeux perçants, aperçut le premier son adversaire dans les touffes de chênes à feuilles jaunes ; il fit feu rapidement. Le Prussien se releva, poussant un juron et laissa échapper son arme ; il avait le bras gauche brisé à l'épaule. (à suivre...)