Scène n L'adaptation et l'interprétation, en 2007, du texte de Mahmoud Darwich Une Mémoire pour l'oubli par François Abou Salem, créateur du théâtre El-Hakawati, furent très émouvantes. l «...Je n'aime pas la mer, car on ne voit pas le rivage, on ne voit pas les colombes, on ne voit que la mer.» C'est ainsi que François Abou Salem a clos ce magnifique monologue, très émouvant, hier au Centre culturel français. L'adaptation théâtrale du texte de Mahmoud Darwich, Une Mémoire pour l'oubli, écrit en 1987, et considéré comme l'un des chefs de file de la poésie arabe contemporaine, par Amir Nizar Zuarbi et Francois Abou Salem, et mise en scène par Amer Khalil est vraiment d'actualité, vingt ans après. «La guerre du Liban de 2006 et cet acharnement à vouloir à tout prix l'éradiquer, et tout ce qui se passe en Palestine, m'ont effectivement inspiré...», nous dira ce dernier. «Août 1982, les troupes israéliennes envahissent le Liban et s'acharnent à prendre Beyrouth qu'elles assiègent. La résistance palestinienne a fait de la ville son quartier général et essaye de tenir bon. Dans cette ambiance de folie meurtrière, et au-dessus d'un ciel saturé de missiles, un poète, exilé de la Palestine et habitant au huitième étage, écrit la chronique d'une ville livrée aux jeux de l'Amour et de la Mort.» L'intervalle des bombes est d'une seconde, même pas le temps de craquer une allumette, ou de préparer un café, mais suffisamment pour mourir, interprété avec beaucoup d'émotions et une magnifique scénographie de Amir Nizar Zuarbi. «Le poète est retranché, cloué entre deux murs, dans un bout de couloir sans issue. Quasiment enseveli dans les décombres de sa bibliothèque écroulée, il nage dans une mer de livres. Pour échapper à la panique ou à la folie, il rêve d'une trêve de 5 minutes, qui lui permettrait d'atteindre la cuisine pour se faire un café... arabe... long et ritualisé. Il nous livre ses angoisses en même temps qu'il les dompte, les apprivoise, les apaise par sa méditation et l'éveil de ses sens par la perspective du café, qu'il accepte de ne faire que dans sa tête. Il scrute l'infiniment petit de la matière, de l'eau, des flammes, de la poudre de café, prend du recul, beaucoup de recul, par le rire, la compassion, la sympathie qu'il porte aux autres, même à ses ennemis. Il reste néanmoins lui-même, et seul, témoin calme et lucide de ce jour apocalyptique sans terre ni colombes à l'horizon, témoin de cette défaite dont il faut prendre acte», résume François Abou Salem et de nous dire : «Le café représente un élément de culture de vie quotidienne, qui permet au personnage de s'accrocher à la vie, et de ne pas devenir fou ... le café est une grande tradition au Machrek, qui est une expression très sociale et très individuelle...», par rapport à ce fameux café, dont est axé le monologue et de rajouter : «Mahmoud Darwich, dans son livre, a parlé de "ce" café, sur plus de 20 pages, c'est vous dire l'importance.» Un indescriptible mélange de ressentis, d'implosions et de soulagements, d'espoir et de fatalité,: «Le tueur tue, le combattant combat, mais les oiseaux continuent de chanter», dira François pendant son interprétation, ce qui reflète parfaitement, l'idéologie de la pièce.