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Une mémoire pour l'oubli pour dire le drame palestinien et l'absurdité de la violence Adaptation au théâtre d'une prose de Mahmoud Darwich au Centre culturel français d'Alger
Le froid mordant de ces derniers jours a dû en dissuader plus d'un de s'aventurer dans les rues d'Alger le soir. Ils n'étaient, effectivement, pas nombreux à se rendre au Centre culturel français d'Alger lundi dernier et, pourtant… le programme de la soirée valait le déplacement et la peine d'être vu. Sur scène, la compagnie El Hakawati avec François Abou Salem pour une adaptation d'une des œuvres en prose de l'une des figures de proue de la poésie arabe contemporaine, Une mémoire pour l'oubli, du défunt Palestinien Mahmoud Darwich. L'œuvre de Darwich porte les traces incontestables de son engagement pour la lutte du peuple palestinien, et elle a la particularité d'être essentiellement poétique. Mais le texte que Amir Nizar Zuabi et François Abou Salem ont décidé de mettre en scène est un écrit en prose paru en 1987 qui est passé presque inaperçu. C'est parce que c'est un texte plein d'intimité et différent de la poésie habituelle de Darwich que l'idée leur est venue de le mettre en scène. La première représentation a eu lieu l'an dernier à Jéricho en présence même de Mahmoud Darwich avant que la mort l'emporte. Et d'après le comédien qui interprète son rôle dans le monologue, le défunt poète avait particulièrement apprécié la mise en scène. Après avoir été interprétée dans plusieurs pays arabes, en France et en Belgique, la mise en scène a été proposée au public algérois, lundi et hier. 19 heures passées, la salle de spectacle du CCF est vite plongée dans le noir. C'est un bruit d'explosion qui fait sursauter le public présent en marquant le début du soliloque de la soirée. Sur scène, deux murs blancs se font face et des centaines de livres jonchent le sol. Un corps se jette brutalement sur scène comme propulsé par l'effroi. Le comédien se lève et commence à projeter sur son public des éclats de poésie, des fulgurances qui font longtemps hésiter entre amertume, cynisme et joie insensée. Plus d'une heure durant, celui qui incarne le poète palestinien en exil laissera le public chanceler entre des scènes d'un comique extravagant et d'autres d'une gravité émouvante, et le tout dans les deux langues, arabe et français, en alternance et dans une diction impressionnante. Dans son intégralité, le monologue représente des moments de forte tension, une atmosphère de violence. C'est que le texte traite d'un moment triste de l'histoire : l'invasion du Liban par les troupes israéliennes qui assiégèrent Beyrouth en 1982, à l'époque où la résistance palestinienne avait fait de la capitale libanaise son quartier général. Le poète exilé de Palestine, claquemuré dans son appartement du huitième étage, assiste impuissant et désabusé, à l'éclatement autour de lui de la violence avec son lot d'explosions, ses odeurs funestes et son ciel assombri de missiles. Interprète et metteur en scène franco-palestinien, François Abou Salem a saisi l'auditoire à travers ce texte peu connu de Mahmoud Darwich qui, en plus de dénoncer l'absurdité et la violence, rappelle les interminables affres que vit le peuple palestinien. F. B.