Les Hamrouche, Benyellès, Sadi et autres peuvent annoncer leur retrait, mais pourraient demeurer dans la course Abdallah Djaballah et Bouguerra Soltani. Au bas de la déclaration des onze personnalités qui animent le front antifraude, tout le monde aura relevé l?absence de la signature du candidat à la présidentielle Abdallah Djaballah, président du MRN. Qu?est-ce qui pousse ce représentant de l?islamisme, qui s?est tenu jusque-là à distance des sphères dirigeantes, à afficher un désintéressement royal vis-à-vis de l?exigence de la tenue d?une élection crédible et transparente dont il pourrait, du reste, être l?un des bénéficiaires ? Et puis il y a aussi cette réserve émise par le MSP «quant au remplacement du gouvernement en attendant la réunion du conseil consultatif». Le parti fondé par Mahfoud Nahnah avait fait partie, pour rappel, du front anti-fraude lors de la présidentielle de 1999 avant de se retirer sous la pression du pouvoir. Nahnah dont la candidature à la magistrature suprême avait été rejetée par le Conseil constitutionnel pour non-possession de la carte communale de moudjahid, a finalement soutenu Abdelaziz Bouteflika contre lequel il menait auparavant campagne. Assisterons-nous à une présidentielle qui mettra aux prises Bouteflika avec les islamistes au cas où, n?accédant pas aux exigences formulées par les onze personnalités, ces derniers décideraient de se retirer de la course électorale ? Possible. Car une telle bipolarisation est de nature à assurer à l?actuel chef de l?Etat de briguer facilement un second mandat. Dans cette optique la défaite du candidat islamiste sera même souhaitable sous quelque forme que ce soit. Les Hamrouche, Benyellès, Sadi et autres peuvent annoncer leur retrait, mais pourraient demeurer dans la course Abdallah Djaballah et Bouguerra Soltani. Le pouvoir pourrait alors s?énorgueillir d?avoir organisé une élection «pluraliste». Il reste maintenant à savoir quelle est la nature du «deal» qu?aurait passé Bouteflika avec Abdallah Djaballah qui semble devenir fréquentable après qu?il sa traversée du désert. Tout le monde a en mémoire comment, sous Zeroual, pourfendeur du contrat de Rome, le contrôle du parti Ennahda avait pu échapper à Djaballah pour passer aux mains de Adami et comment, lors des consultations électorales, on avait aussi pu jouer la carte de Nahnah contre celle du président du MRN. Même le général du corps d?armée, Mohamed Lamari a cité le nom de Djaballah quand il s?était exprimé sur l?engagement de l?armée à respecter les résultats de la future présidentielle. Les militaires respecteront le verdict des urnes, même si c?est le président du MRN qui en sort vainqueur, a-t-il dit. Dans quelle mesure le président de la République a-t-il exploité cette affirmation dans le but de séduire Abdallah Djaballah et peut-être de piéger la haute hiérarchie militaire ? Mais il n?est pas dit que l?armée respectera les résultats d?élections entachées d?irrégularités. C?est dans cette brêche que semblent s?engouffrer le front antifraude et tous ceux qui appellent au report de l?élection.