Coïncidence Slimane est atterré, il vient de voir l?endroit où il avait rêvé qu?il allait mourir. Le lendemain soir, quand les quatre hadji rentrent, ils ne peuvent ouvrir la porte. Slimane a beau fouiller dans ses poches, la fameuse clé n?y est pas? ? J?ai dû la perdre dans la foule, quand nous avons lapidé échaïtane ! dit Slimane d?une voix contrite. Moi, qui ai fermé à double tour. ? Mais qu?allons-nous faire maintenant ? Dormir dehors? et les femmes ? Puis Saïd se glisse par la petite fenêtre et les autres en font autant, sauf Bornia, dont l?embonpoint ne lui permet pas de passer par l?étroite ouverture. Il est plus de minuit et le quartier est calme. ? Comment faire ? dit Slimane, c?est ma faute ! Je ne sais pas comment? ? Y a khouya, c?est trop ! On ne peut plus te faire confiance, répond Saïd sèchement, en faisant passer par la fenêtre deux matelas-éponge, que sa femme récupère dans la rue. ? Par ta faute, ajoute-t-il, nous voilà condamnés à coucher dehors ! Et cette nuit-là, tandis que Slimane et sa belle-mère ronflent à l?intérieur du logis, Saïd et sa femme, recroquevillés sur leur matelas, dorment sur le trottoir, près de la porte. Tôt le matin, ce dernier se lève et part à la recherche d?un serrurier qui leur remet une nouvelle clé. ? Bel kofara, dit la belle-mère de Slimane, je vais l?attacher à un fil que tu porteras autour du cou, comme ça tu ne la perdras plus? Et les quatre hadji accomplissent tous les rites du pèlerinage, font toutes les prières, visitent tous les sites. Leur mésaventure est devenue maintenant un sujet de plaisanterie. ? On aurait dû te mettre cette clé autour du cou depuis longtemps, rien ne serait arrivé, plaisante Saïd. ? Quand on rentrera au bled et qu?on racontera que tu as dormi dehors, en pleine rue, Bornia, ma fille, dit Kheïra? et les rires reprennent. Tout à coup, Slimane se lève, termine sa tasse de café et se prépare à sortir. ? Il est trop tôt Slimane, dit Kheïra, pour aller à la mosquée, il fait encore trop chaud. ? Nous irons ensemble un peu plus tard? faisons la prière d?el-Aâsr ici et nous prierons el-Maghreb et el-Icha là-bas ! ? Non, je vais y aller maintenant et je vous attendrai là-bas, répond Slimane. ? Reste, insiste Kheïra. Le soleil tape dur ! ? Ça ne fait rien, j?ai ma mdalla. Et Slimane referme la porte derrière lui. (à suivre...)