Une petite fille avait perdu sa mère. Elle vivait avec sa marâtre qui ne l'aimait guère. La marâtre avait sa propre fille qu'elle dispensait de presque toutes les tâches ménagères. Et la petite orpheline était toujours chargée des corvées les plus ingrates. Elle se rendait chaque jour au fleuve pour aller chercher de l'eau. En chemin, elle en profitait pour s'arrêter sur la tombe de sa mère, près de laquelle avait poussé un figuier. — O figuier, disait-elle après s'être recueillie, baisse-toi ! Alors les branches de l'arbre s'abaissaient. L'orpheline faisait provision de figues, dont elle se nourrissait, car sa marâtre ne lui donnait pas grand-chose à manger. Un jour, elle rapporta quatre figues à la case et les donna à sa demi-sœur. Celle-ci en mangea deux et offrit les deux autres à sa mère qui les trouva délicieuses. — D'où viennent ces fruits ? demanda-t-elle. — C'est moi qui les ai cueillis, répondit l'orpheline. — Pourquoi ne nous en rapportes-tu pas plus souvent ? dit avec dureté la marâtre. Tu vas nous montrer où se trouve le figuier. L'orpheline conduisit sa marâtre et sa demi-sœur jusqu'à l'arbre. La marâtre grimpa rapidement dans le figuier, s'assit sur une branche et commença à se gaver de fruits. — O figuier, dit la petite orpheline, allonge-toi ! L'arbre se mit à croître. Au bout d'un moment, il fut si grand que la marâtre se trouva dans l'impossibilité d'en redescendre. Sa fille se mit à pleurer et appela des passants. — Que se passe-t-il ? demandèrent ceux-ci. — Ma mère se trouve dans cet immense figuier, leur déclara-t-elle. Il faut l'aider à redescendre. — Nul ne peut grimper si haut, répondit un vieil homme qui n'avait jamais vu de figuier aussi grand. — Comment un figuier a-t-il pu atteindre cette taille ? demanda un autre homme. — C'est ma demi-sœur qui l'a fait grandir en prononçant des paroles magiques. — Est-ce vrai ? interrogea une femme. — Oui ! dit l'orpheline. C'est grâce à ma mère, dont la tombe se trouve ici, que je possède ce pouvoir. — Alors, fais reprendre une taille normale à ce figuier, dit le vieil homme. La petite orpheline refusa. Tout le monde la supplia et elle finit par se laisser convaincre. Elle regarda alors fixement la tombe de sa mère en disant calmement : — O figuier, reprends une taille normale ! L'arbre rapetissa lentement. Devant un tel prodige, ceux qui se trouvaient là restèrent muets d'admiration. Lorsque le figuier eut enfin repris sa taille normale, la marâtre sauta de la branche où elle était assise. Et elle regagna sa case sans prononcer la moindre parole. A dater de ce jour, elle traita la petite orpheline comme sa propre fille.